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« ministère occulte, » elle reprend en sous-œuvre tout le travail de la préparation budgétaire. Par la Commission de législation fiscale, elle refait, quand elle ne les étouffe pas, les projets et programmes d’impôts. Bien qu’elle ne s’intéresse guère aux lois de règlement, qui pourtant devraient être la sanction de son droit budgétaire, elle prétend s’arroger la surveillance de l’exécution du budget, au cours même des opérations, par la Commission des comptes et des économies, sans doute en souvenir des Comités de Trésorerie de l’époque révolutionnaire. Et par-dessus tout, elle s’est accoutumée, par un manifeste abus de pouvoir, à voter toutes les dépenses nouvelles ou augmentations de dépenses qu’il lui plaît, de sa propre autorité, sans souci des conséquences budgétaires de ses décisions, sans égard à l’équilibre entre le doit et l’avoir. De toutes les mesures nécessaires pour relever nos finances, l’une des plus urgentes consiste à supprimer le droit d’initiative parlementaire en matière de dépenses.

Que tout député ait le droit de proposer des dépenses nouvelles ou des augmentations de dépenses, sans condition ni limite, à la Commission du budget ou en séance, dans les lois de finances ou dans toutes autres lois, c’est ce qui, selon les théoriciens parlementaires, résulte de la Constitution de 1875, laquelle reconnaît aux élus de la nation le privilège de proposer des lois ou des amendements aux projets de loi émanés du Gouvernement. Rarement appliqué, et d’ailleurs très discuté, au temps de la Restauration, ce droit d’initiative a donné lieu sous la troisième République, comme il avait déjà fait en 1848, à des abus constants et flagrants. C’est ainsi, par exemple, qu’en 1887 (budget de 1888), les dépenses nouvelles ou augmentations de dépenses proposées par les députés ne s’élevèrent pas à moins de 276 millions. Le scandale devint tel qu’en 1900, sous la pression de l’opinion, la Chambre dut se résoudre à apporter elle-même quelque restriction à la liberté dépensière de ses membres : par modification de son règlement intérieur, elle décida que, dans la discussion du budget, il ne pourrait être proposé d’accroissement de crédits qu’au cours des trois séances qui suivent la distribution du rapport dans lequel figure le chapitre intéressé, ce qui avait pour but de prévenir les relèvements de crédits votés par surprise en cours de séance ; de plus, les demandes d’augmentations de traitements