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quelques observations discrètes et officieuses, mais il n’en est ni juge ni maître ; sa censure n’est guère qu’une centralisation. Une fois le budget voté au Parlement, il doit, ou il devrait, en contrôler l’exécution. De louables efforts ont été faits depuis vingt-cinq ans pour le mettre à même de suivre les opérations, par le contrôle des dépenses engagées : louables, mais vains, car s’il est en droit de s’opposer à une création d’emploi inutile ou à un engagement irrégulier de dépense, il n’a pas la critique de l’emploi des fonds, il est sans pouvoir pour empêcher les dépenses injustifiées, pour prévenir les abus parfois les plus flagrants, les plus courants. Quant à la politique financière générale, c’est, après le ministre des Finances, le Conseil des ministres qui en décide en dernier ressort. Or au conseil des ministres, le ministre des Finances n’est qu’un ministre comme les autres, un « conseiller financier, » généralement seul de son bord, seul à lutter contre la poussée dépensière, n’ayant que sa voix et dont la voix est le plus souvent étouffée par celles de ses collègues. L’intérêt supérieur des finances est-il en vérité garanti, le respect en est-il ainsi assuré, dans un conseil où l’autorité est divisée, c’est-à-dire réduite, et la responsabilité partagée, c’est-à-dire anéantie ?

Substituons donc la pratique anglaise à la nôtre, et confions au ministre des Finances, au sein du gouvernement et sous le contrôle du Parlement, l’autorité et la responsabilité financières, en le dotant comme en Angleterre de prérogatives plus larges, en lui donnant un droit de veto sur ses collègues et une voix prépondérante au Conseil des ministres. Il aura nos finances à restaurer, fournissons-lui en les moyens. La question financière prime aujourd’hui toutes les autres questions : que le ministre des Finances prime de même les autres ministres au point de vue budgétaire, qu’il tienne effectivement entre ses mains toutes les finances de l’État, les dépenses comme les recettes, et qu’il soit réellement dans notre République un « surintendant des finances. » Les autres ministres sont exposés parfois à s’engager à la légère : il est si facile de promettre quand on n’a pas à payer ! Il est de leur intérêt comme de celui du Trésor qu’il y ait derrière eux une autorité qui ait son mot à dire, le dernier mot, et puisse réparer en temps utile leurs erreurs ou leurs imprudences. Point n’est besoin de recourir à une révision constitutionnelle ; la réforme peut s’introduire