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Réformes radicales, économies radicales, il y a là une œuvre immense à accomplir. Elle est difficile, mais elle est nécessaire. Qui en prendra l’initiative, qui en assurera le succès ? Comment les corps constitués se réformeraient-ils d’eux-mêmes et de bonne grâce ? Au dedans, c’est la routine, c’est le jeu des intérêts qui se décorent du nom de droits acquis. Au dehors, l’ignorance, l’incompétence, les préjugés. Le ministre, qui ne fait que passer dans son ministère, ne sait que ce que veulent bien lui dire ses directeurs, il ne peut rien sans eux, ni contre eux ; entre eux et lui, il faudrait un haut fonctionnaire de carrière, sachant les choses, ayant les pouvoirs, capable de concevoir et de mener à bien les réformes et les économies, les œuvres de longue haleine ; c’est ce qu’ont nos amis anglais dans la personne de leurs sous-secrétaires permanents, et c’est ce que nous devrions avoir au plus tôt, à la tête de chaque département ministériel, « pour remettre l’ordre dans la maison. »

Mais plus haute est la question. Tout l’avenir de la France est en jeu dans l’avenir de ses finances. Jamais la nécessité ne s’est fait sentir plus impérieusement d’une direction forte, éclairée, inflexible. Qui tiendra le gouvernail ? Qui assumera la charge de la reconstruction financière de la France ?


V

Ce qu’il faut avant tout, pour notre salut, c’est qu’il y ait chez nous, en matière d’économies à réaliser, comme d’une façon plus générale en matière d’ordre, d’équilibre, de régularité, dans la gestion de nos finances, une autorité responsable, qui, dotée de tous les moyens voulus, sache et puisse, par une rigoureuse discipline, mettre un frein à l’anarchie et faire aboutir l’œuvre de la réparation nécessaire. La France, après los grandes crises de son histoire, a toujours trouvé au moment voulu l’homme qu’il lui fallait pour relever ses finances. Il y a cent ans, ce fut ce grand organisateur, trop oublié, le baron Louis, qui, ministre une première fois en 1814, et rappelé au ministère on 1830, disait alors amèrement qu’il était « toujours appelé à administrer la misère de son pays. » Après les convulsions révolutionnaires, nous avions eu Mollien et Gaudin, premiers artisans de la reconstruction sous le Consulat. Au XVIIIe siècle, Turgot, dont Malesherbes disait