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cette discipline rigoureuse, toutes les ressources fiscales et tous les moyens de crédit dont il aura besoin pour ses dépenses légitimes.

A vrai dire, il ne s’agit pas de petites restrictions, d’économies « de bouts de chandelle, » de menues compressions de crédit, illusoires ou inopérantes. Il ne nous suffit pas d’instituer, comme il y avait autrefois dans la république de Venise, des scanzadori delle spese superflue. Ce n’est pas le seul superflu que nous devons retrancher, mais tout ce qui n’est pas strictement indispensable à la vie du pays. Il nous faut des coupes sombres dans la forêt touffue du budget.

Ce n’est pas ici le lieu de dresser le plan de l’œuvre à accomplir. Qu’on nous permette cependant de rappeler que tout le monde est d’accord sur la nécessité d’une refonte complète de notre administration, de la vieille et pesante machine napoléonienne qui, depuis cent vingt ans, s’est développée et compliquée sans jamais se réformer ni s’adapter à l’évolution générale du monde. Ignorante de la vie moderne, elle gère le pays du fond de ses bureaux, en aveugle, à coups de dossiers, de circulaires, de notes, de rapports, c’est-à-dire toujours sur le papier, « qui souffre tout : » qu’elle sorte donc de sa prison poussiéreuse, qu’elle pratique cet aussenbureaukratismus dont les Boches nous ont donné l’exemple, qu’elle se vivifié et se simplifie, et mette enfin ses procédés en harmonie avec les conditions nouvelles. On hausse actuellement, avec excès d’ailleurs et sans méthode, les rétributions de tout le personnel de l’Etat ; que ne le réduit-on en même temps, ce personnel, en donnant à chaque agent sa part de pouvoir et de responsabilité ? S’il n’est pas assez payé, il est d’une façon générale deux fois trop nombreux, et la preuve en est que pendant la guerre on a marché à demi-cadres. Augmentez les traitements, mais supprimez d’abord la moitié des 650 000 fonctionnaires que la France entretenait il y a cinq ans, sans compter ceux qui se sont ajoutés depuis lors : la France en vivra mieux, et l’économie y trouvera son compte.

Trop lourds, trop compliqués sont nos services. On n’a cessé d’ajouter de nouveaux rouages à la machine sans jamais en supprimer, avec ce résultat que la machine finit par se refuser à sa fonction. Dans tous les ordres de l’activité humaine, la tendance est à la concentration : pourquoi les services publics s’y