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données claires, de comptes faciles à lire, ne s’est jusqu’à ces derniers temps jamais souciée des finances publiques. N’est-ce pas un triste spectacle que celui d’une population parcimonieuse au fond, éprise d’ordre et sachant compter, gérant de façon entendue ses propres affaires, et qui abandonne les finances publiques aux mains de gouvernants prodigues et imprévoyants, empressés de les livrer au hasard ou au pillage ? L’opinion a besoin chez nous, en finances, d’être informée, éduquée et vivifiée. L’autre raison, c’est que, parmi ces gouvernants, il n’y a personne, financièrement parlant, en qui réside à la fois l’autorité et la responsabilité, avec les moyens d’exercer l’une et l’autre. Personne n’est responsable chez nous de l’ordre, de l’économie, de l’équilibre. Il n’y a plus d’autorité en matière financière. Le gouvernement a ruiné la sienne pour en conserver l’apparence, et celle que s’arroge le Parlement se noie dans son irresponsabilité. L’Etat, étant tout le monde, s’entend tous les ministres, tous les parlementaires, tous les fonctionnaires, n’est plus personne, personne ne s’intéresse plus à ses intérêts ; la chose publique n’existe plus, elle a succombé sous le nombre, dans l’indifférence générale.


IV

Un changement profond, catégorique, s’impose pour relever la France et sauver le crédit public. La situation présente est des plus graves : on l’a dit au Parlement, dans la presse ; l’a-t-on assez dit ? Il n’y aurait pas de pire politique que dissimuler au pays la vérité. « Le salut de la nation exige des résolutions viriles, » proclama naguère M. Milliès-Lacroix, rapporteur des finances, au Sénat. « Il n’y a pas de finances possibles, si nous persistons à dépenser sans compter, » a déclaré à la Chambre M. Klotz, ministre des Finances, dont il est regrettable que la fermeté ne se soit guère manifestée qu’en paroles. Et M. Ribot : « Si nous continuions ainsi, nous irions à une catastrophe, » La catastrophe elle-même ne serait pas un dénouement, quoi qu’en puissent penser certains esprits simplistes ; non seulement la défaillance de l’Etat entraînerait par ses répercussions incalculables la ruine de la plupart des Français et des intérêts français, mais notre crédit en serait tué au dedans et au dehors, et le Trésor se trouverait le lendemain dans un état pire que la