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par un glissement habituel aux solutions de fortune ou plutôt d’infortune, par un abandon constant des grands principes de l’art financier, lesquels après tout ne sont autres que ceux de l’ordre et du bon sens. — L’administration enfin : tout a été dit sur l’énorme coût et le médiocre rendement de cette lourde machine, dispendieuse et inefficace, paralysée par le formalisme et la routine, et dont chaque organe est devenu une fin en soi, avec l’objet constant) de grossir ses dépenses pour grossir son importance. Sous le couvert de son irresponsabilité, et de sa réputation d’intégrité, notre bureaucratie, mauvaise ménagère, a si l’on peut dire le gaspillage dans le sang ; tous les moyens lui sont bons pour entier ses demandes de crédits budgétaires comme pour épuiser les crédits en fin d’exercice ; respectueuse des règlements, elle est sans scrupule pour les tourner. Elle réalise ce paradoxe d’être à la fois avare pour les petites choses et prodigue pour les grandes, elle respecte consciencieusement les centimes tout en jetant, par légèreté ou incapacité, les millions à l’eau : penny wise and pound foolish, comme on dit outre-Manche.

Le temps n’est plus sans doute où Montesquieu assurait que « l’économie est l’avantage du gouvernement républicain. » Les démocraties, nous le savons, sont dépensières et désordonnées : quand les impôts sont votés par ceux qui ne les paient pas, et les dépenses par ceux qui en profitent sans y contribuer, les gouvernants ne songent qu’à satisfaire le plus de monde possible aux frais publics. Dépensez toujours, cela fait bien dans un régime de « clientèle » où le gouvernement est aux pieds des députés et les députés à ceux des électeurs, où les ministres « font les couloirs » comme les députés « font leur circonscription. » Le budget, c’est l’assistance publique, c’est la caisse commune et soi-disant inépuisable où tout le monde puise, de près ou de loin ; la gratuité s’introduit partout, et partout les primes, les encouragements, les subsides ; la gabegie engendre le gâchis.

Ainsi allaient, depuis longtemps, les choses financières dans les démocraties modernes. Mais pourquoi allaient-elles dans la nôtre plus mal encore que dans les autres ? Entre beaucoup de raisons, il y en a deux qu’il faut dire, parce que, les circonstances s’y prêtant, nous y pourrons peut-être quelque chose. Voici la première : l’opinion, mal renseignée, faute de