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affaires financières ont été tellement brouillées ces derniers temps que les gens de bien y connaissent peu de chose, tandis que les autres n’y connaissent que trop. »

À qui la responsabilité de ce désarroi lamentable, de « tous les désordres et combustions qui agitent cette pauvre France, » comme écrivait en son temps Sully, lorsqu’il cherchait de bons « expédients pour médiciner telles maladies d’Etat ? » À tout le monde. Au Parlement d’abord, ou plutôt aux députés, puisque le Sénat s’est, par une abdication étrange, laissé réduire au rôle de chambre d’enregistrement. Leur mission est d’autoriser les recettes et les dépenses, et de contrôler la direction des finances publiques. Mais « les contrôleurs se sont faits dépensiers, » comme disait déjà le procureur général Dupin. À qui mieux mieux, ils poussent à la dépense, que ce soit la réclame électorale qui leur permet de se faire de la popularité au dépens des deniers communs, la largesse socialiste ou démagogique, ou parfois même l’extravagance révolutionnaire qui aura à certains yeux le mérite de contribuer à mettre à bas la société actuelle. Nul souci chez eux d’un bon aménagement des ressources de l’État. Usés par les agitations stériles et les ambitions personnelles, incapables de se discipliner comme de comprendre la discipline des lois économiques, inaptes aux affaires, ils se désintéressent des finances. Ils ne remplissent même plus les premiers de leurs devoirs : ils ne se donnent plus la peine de discuter les lois de règlement, qui sont votées très en retard, par paquets de trois ou quatre, voire de huit, à la fois, sans débat, dans l’indifférence générale, et ne représentent plus que de vaines formes de symétrie budgétaire. Le budget lui-même, ils ne peuvent plus l’établir en temps utile, toujours il faut des douzièmes provisoires, avec tous leurs inconvénients, dont le moindre n’est pas, en prolongeant la discussion, de favoriser les surenchères et le gaspillage, car plus la Chambre discute, plus elle dépense, ce qui est pour le moins l’indice d’une étrange altération de son rôle. — Le gouvernement n’est pas moins coupable. Chargé de la gestion financière du pays, il a lui aussi fait défaut à sa charge, et faute d’autorité comme de sagesse il a laissé la nef errer au gré des flots. Gérant négligent et désordonné, imprévoyant et à courtes vues, il n’a su imposer ni méthode, ni clarté, ni rigueur financière, il n’a fait que favoriser le trouble et la confusion par sa faiblesse et son incurie,