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ou pour les usines de cyanamide, sans compter ce qu’on peut soupçonner, aux portes du pouvoir, grandes ou petites, de tractations louches, de collusions coupables ou de trafics criminels. De ces abus, de ces hontes, chacun a pu surprendre quelques exemples, au hasard des circonstances, ou s’instruire à la lecture des documents officiels, débats ou rapports parlementaires, comptes rendus de procès. Qui saura jamais tout ? Pour l’instant, l’opinion n’est saisie que de faits isolés, elle en devine plus qu’elle n’en voit, elle en ignore plus qu’elle n’en sait.

Et depuis que la guerre a pris fin, le débordement des dépenses publiques n’a fait que s’accroître. Six mois durant, on nous berça de cette illusion : l’Allemagne paiera ! Pourquoi donc se restreindre ? On a continué à vivre d’emprunts. Et la Chambre, voyant venir les élections, en profita pour jeter à pleines mains l’appât aux électeurs. Plus le pays s’inquiétait de l’avenir financier, plus on lui dispensait les milliards, non sans aviver des alarmes qu’on pensait apaiser. Sans doute les charges extraordinaires ne pouvaient disparaître d’un jour à l’autre ; il fallait bien, par exemple, entretenir les troupes encore mobilisées, rembourser les bons de monnaie des régions libérées (2 milliards), pourvoir aux premières avances sur les dommages de guerre. Et la victoire elle-même devait engendrer des dépenses qui, pour bien intentionnées qu’elles fussent, n’ont pas toujours été faites avec prudence, telle entre autres la valorisation du mark en Alsace-Lorraine (2 milliards et demi). Mais à côté de cela, quel effroyable gaspillage a continué de s’épanouir dans les services tant militaires que civils ! Que de largesses coupables, comme les cent millions pour prêts aux démobilisés du petit commerce, les cent millions pour la mise en culture des terres abandonnées, ou les avances exceptionnelles de traitements au personnel civil de l’État (460 millions). Quelle invraisemblable gabegie dans la liquidation des stocks ! Combien de dépenses grossies à plaisir par la défunte Chambre, avec une inconscience criminelle de la gravité des temps ! Voyez les indemnités temporaires aux petits retraités, dont le gouvernement prévoyait le coût à 150 millions : le Parlement enfin les crédits à 300 millions. Et le projet de loi sur le relèvement des traitements de l’instruction publique : 360 millions, qui en devinrent 420 sous la pression de la commission du budget. Quant à la prime de démobilisation, née,