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encore qu’ils fussent en ce genre des phénomènes pour avoir entrepris, — comme on l’a dit, — le lent assassinat de cet orphelin qui peut être demain leur Roi, et qu’ils demeurassent les seuls à ne pas comprendre que leur intérêt est de se ménager, pour l’avenir incertain, sinon sa gratitude, du moins son indulgence.

Quant à Chaumette, — qui l’a compris, lui, — il se sent, de jour en jour, cerné dans une impasse ; il a déchaîné les fauves, et il est impuissant à les réintégrer dans leurs cages. Depuis son retour de Nevers, il marche à l’abime : il essaie de jeter en pâture à la meute qui le pousse tout ce que, depuis des siècles, vénère le grand Paris : il installe une figurante de l’Opéra sur l’autel de Notre-Dame, reçoit à l’Hôtel de Ville la châsse profanée de Sainte Geneviève. Les séances de la Commune se muent en charges sacrilèges : il y « baptise » un jeune esclave américain de douze ans, sur la tête duquel, en manière d’ondoiement, il pose son écharpe tricolore ; et, sous son inspiration, le Conseil général perdant jusqu’au sentiment du ridicule « charge Dorat-Cubières, son secrétaire, et Ch. Villette, interprète de la Commune, » de convertir le pape et les cardinaux en traduisant à cet effet en langue italienne tous les procès-verbaux qui constatent l’abjuration des prêtres, afin d’envoyer ces actes à Sa Sainteté et à Leurs Eminences. » Malgré ces surenchères, il se sait guetté : à la Convention, au Comité de Salut public, après avoir tremblé devant lui, on le méprise, on le hait, on ne le craint plus : de terribles rancunes, encore dissimulées, montent en flux menaçant : le temps presse pour Chaumette et pour Hébert, s’ils considèrent l’enfant du Temple comme un palladium sauveur, de s’armer, contre leurs adversaires, de ce talisman dont eux seuls disposent et que convoitent secrètement tant de partis


G. LENOTRE.