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qu’elles passeraient ensuite par la fenêtre « pour les communiquer à quelqu’un… » Simon, lui, « étant un peu dur d’oreille, » n’a rien entendu ; mais « son épouse a confirmé les dires de Charles Capet… » Cette mystification, lue au Conseil général, n’a aucun succès ; quelques membres, habitués du Temple, émettent l’hypothèse que ces bruits « sont occasionnés par le bois que les détenues arrangent et par les fagots qu’elles font et défont. » En réalité, ce qu’on entendait, c’était le choc des palets que faisaient mouvoir les deux princesses au cours de leur quotidienne partie de trictrac. Mais cet impair n’a pas accru le prestige du cordonnier : comme Chaumette ne le patronne plus, le Conseil ne lui témoigne plus aucun ménagement. On ne lui permet maintenant de descendre au jardin que sous la surveillance continue d’un de ses collègues ; peu après, on lui refuse la carte permettant de circuler hors du Temple et d’y rentrer à sa fantaisie ; un jour qu’il exprime le désir d’aller jusqu’à son domicile pour y prendre quelques effets, on l’y autorise, à condition qu’il sera accompagné de deux commissaires : quand, le 27 décembre, il sollicite la faveur d’assister à la fête qui doit se célébrer à l’occasion de la prise de Toulon, on la lui refuse. Il est désormais prisonnier de ses fonctions : il y tient pourtant parce qu’elles sont lucratives : » royalement » logé, bien nourri, chauffé, éclairé, blanchi et 9 000 livres ! Jamais le couple ne connaîtra telle opulence.

Et peut-être aussi s’est-il attaché au disciple dont il imagine avoir ouvert l’esprit aux idées nouvelles. Est-il admissible, en effet, que ce ménage de vieilles gens ne se soit pris de tendresse pour cet enfant si attachant par son malheur et par sa gentillesse, si plein d’entrain aussi, qui rit à tout propos et chante toute la journée comme les oiseaux de sa volière ? Le cordonnier est brusque, à la vérité, il jure, il sacre, il allonge parfois des taloches, il ne se refuse pas le plaisir de se faire apporter par le Roi de France, ses pantoufles ou son eau chaude : — c’est si tentant ! — Mais on le sait, « il n’est pas dépourvu de sensibilité » et il s’attendrit facilement. En ce qui concerne la Simon qui n’a jamais été mère, on la devrait supposer dissemblable de toutes les femmes pour croire qu’elle n’aimât point, — à sa manière, — ce petit Capet dont la présence continue la distrait, l’égaie et la flatte. Même en admettant que le cordonnier fût un monstre et sa femme une mégère, il faudrait