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Le quinzième jour du premier mois de l’an II, — le calendrier révolutionnaire était dans toute sa nouveauté, — c’est-à-dire le 6 octobre 1793, — un ci-devant dimanche, — Chaumette et Hébert arrivent au Temple : ils ont amené, pour plus de solennité et d’éclat, le maire Pache et des municipaux choisis : Antoine Friry, ci devant employé à l’administration des loteries, Heussé, fabricant de chocolat, Séguy, médecin, et un certain Laurent qui est de la même section que Simon. On se présente à la salle du Conseil et l’on monte à l’appartement de Simon. Le cordonnier a disposé des sièges et une table devant laquelle s’installe le citoyen Laurent qui va tenir la plume et remplir le rôle de greffier.

De la scène qui s’ouvrit on ne possède qu’un témoignage, celui du procès-verbal, et la décence interdit d’en rien citer ; mais il est manifeste que le Dauphin a bien profité des leçons de Simon : après avoir dénoncé les conciliabules de sa mère avec Lepitre, Toulan, et certains autres commissaires, il aborde le sujet répugnant sans gêne ni réserve, en récitant qui ne comprend pas ce qu’il débite et qui n’hésite pas à préciser. On ne lui pose pas de questions : il parle d’abondance, et quand il lui faut signer sa déclaration, il trace son nom Louis-Charles Capet d’une main si maladroite qu’on a pu inférer de la dissemblance entre cette signature informe et l’écriture régulièment appliquée de ses devoirs d’écolier, — au temps où il faisait des devoirs ! — que le malheureux enfant est ivre, ou qu’on doit par la force guider sa petite main ! Pache signe l’ignoble papier, puis Chaumette, puis Hébert, puis les autres, et Simon le dernier, respectueusement.

Le lendemain, 7 octobre, à une heure de l’après-midi, Pache et Chaumette reparaissent au Temple : ils vont confronter l’enfant avec sa sœur et lui faire répéter, devant cette jeune fille de quinze ans, les obscénités entendues la veille. Cette fois, Hébert et Friry se sont abstenus : ils sont remplacés par l’officier municipal Daujon et par le peintre David, — le grand David ! — qui n’a rien à faire là, mais s’autorise de sa qualité de membre du Comité de Sûreté générale pour assister à une scène qui sollicite sa curiosité d’artiste friande d’émotions fortes. N’a-t-on pas surpris naguère le peintre dessinant les attitudes raidies des massacrés de septembre et, dans quelques jours, ne se postera-t-il pas à une fenêtre de la rue Saint-Honoré,