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Chaumette et par Hébert, terrorisé, asservi, réduit au silence.

Durant tout le mois de juillet, la malheureuse reine avait supplié qu’on lui permit de voir son fils ; toujours sa requête avait été éludée ; elle était parvenue à l’apercevoir en montant jusqu’au niveau de la plate-forme par un escalier situé dans la garde-robe de son appartement. « Son seul plaisir était de le voir passer de loin par une petite fenêtre : elle y restait des heures entières pour guetter cet enfant si chéri. » Elle fut bientôt privée de cette consolation : dans la nuit du 2 au 3 août, « à une heure et un quart du matin, » cinq administrateurs de la police étaient venus la prendre et, dans un fiacre escorté de vingt gendarmes à cheval, l’avaient conduite à la Conciergerie.

En transférant Marie-Antoinette à la prison du Palais, en propageant le bruit de son procès imminent, le Comité de Salut Public paraît avoir eu seulement pour but de décider les puissances étrangères, et particulièrement l’Autriche, à se départir de leur indifférence : il croyait que, pour sauver la Reine de l’échafaud, les souverains de la coalition se résoudraient à des avances que l’on attendait vainement depuis trois mois. Les puissances ne comprirent pas, ou ne consentirent point à entrer en négociation avec le gouvernement de la Terreur et on se demandait ce qu’on allait faire de cet otage embarrassant, nul dans le Comité n’osant prendre la responsabilité délivrer la Reine au bourreau. C’est alors que, dans l’une de ces mystérieuses séances de nuit, séances extra-régulières auxquelles assiste cet espion de l’Angleterre dont on a plus haut constaté l’intrusion, Cambon ayant observé que, peut-être, « en annonçant le prochain procès de la Reine, mais en atermoyant sa date, on garderait encore une chance de traiter avec Vienne, » Hébert prend la parole et prononce une harangue d’une fureur sauvage et désespérée : « J’ai promis la tête d’Antoinette, j’irai la couper moi-même si on tarde à me la donner. Je l’ai promise de votre part aux sans-culottes qui la demandent et sans qui vous cessez d’être… Voici qui vous décidera. » Alors peignant à grands traits la situation du pays, il montre la Révolution et les révolutionnaires destinés à périr : — « Tous vos généraux vous trahissent et tous vous trahiront ; moi tout le premier si… je voyais un bon traité à faire qui me conserve la vie… Mais… la France sera soumise… nous périrons tous…