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de protester contre le traitement dont il était victime. Il réclama sa maman, exigea « qu’on lui montrât la loi qui ordonnait de la séparer d’elle… » Et qu’on imagine l’attitude de ces députés à la Convention, de ces commissaires de la Commune, obligés, ou de brutaliser cet innocent pour lui imposer silence, ou, tètes basses, le rouge au front, de l’écouter, enflant sa petite voix et s’essayant à parler en Roi. Le rapport des délégués du Comité de sûreté générale est le premier en date des rares documents qui nous renseignent sur l’attitude du cordonnier à l’égard de son élève : document suspect, dira-t-on, car si les Conventionnels avaient surpris Simon occupé à rouer de coups sa victime, ils se seraient, sans nul doute, abstenus de mentionner le fait. Soit ! Mais d’autres indices attestent, sinon la sollicitude, du moins la modération des Simon ; le docteur Pipelet, honoré de toute la confiance de la Reine et qui vint, à la demande formelle de celle-ci, examiner le Dauphin, vers le 20 juin, ainsi qu’on l’a rapporté, prolongea, « durant tout un mois, » le traitement ordonné à l’enfant ; il le vit donc fréquemment, sinon quotidiennement, durant les vingt premiers jours de la gestion du cordonnier. Un autre médecin donna, concurremment avec Pipelet, des soins au prisonnier : le docteur Thierry, « médecin des prisons, » dit-on en prêtant à ce titre une intention péjorative ; mais il avait été médecin consultant du Roi, et Mme de Tourzel se félicite de savoir le jeune prince soigné par ce docteur renommé ; elle rencontrait Thierry chez le maréchal de Mouchy et le vit « profondément touché de la situation de la famille royale ; il alla trouver Brunier pour s’informer du tempérament de l’enfant… » et il s’adjoignit, pour ses visites au Temple, le docteur Soupé, maître en chirurgie.

Thierry vint seize fois à la prison « après la séparation, » précise le mémoire de ses honoraires, et ses dernières consultations datent des premiers jours de janvier 1794 ; elles s’espacèrent donc pendant toute la durée du séjour de Simon. Du reste, le fils de Louis XVI n’était pas gravement malade ; il avait été atteint, au temps où il vivait encore avec sa mère, d’une « affection vermineuse, » et les visites des docteurs n’avaient pour but que de prévenir le retour de cette indisposition. Le 4 juillet, premier jour de vie commune avec le savetier, on lui apporte de chez l’apothicaire Robert un bouillon médicinal