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Commune, on n’en peut guère douter à la façon dont celle-ci l’annonça à la population parisienne, affectant d’en laisser toute la responsabilité à la Convention nationale : ― « Depuis l’exécution du Louis XVI, annonce le Courrier Français, la Convention paraissait avoir entièrement oublié les personnes de sa famille qui sont détenues au Temple. Le Comité de Salut public vient de s’en occuper et, en conséquence de ses arrêtés, le fils du ci-devant Roi sera séparé de sa mère. » L’arrêté n’édictait pas l’isolement proprement dit : il n’interdisait point tout rapport entre la Reine et son fils, mais seulement la cohabitation continue. La Commune en aggrava cruellement la rigueur : ainsi le Comité laissait à sa discrétion la nomination de l’instituteur : Chaumette confia, ou approuva que l’on confiât cette mission à son séide Simon, et ce choix, à ceux qui connaissaient l’homme, dut paraître une dérision. Ignorant, borné, brouillon, absolument inculte, incapable d’écrire une ligne correcte ou seulement lisible, le savetier ne possédait qu’une qualité qui justifiât la décision de son protecteur : la passivité. Si, en le désignant, le procureur de la Commune qui, on l’a vu, redoutait « le jugement de l’histoire, » n’eut pas pour but unique de s’assurer auprès de l’enfant un instrument docile, sa préférence pour ce rustre resterait inexplicable. Nul ne peut supposer, d’ailleurs, qu’il lui fut imposé par un vote de la Commune : on sait ce qu’étaient les séances du Conseil général et la soumission de tous aux avis du « patron. » Simon n’aurait jamais été nommé s’il n’avait pas été l’homme de Chaumette, son patron, son collègue à la section du Théâtre français, son tuteur, son répondant. Pour le cordonnier la promotion était inespérée : le Conseil Général lui ayant décerné, en même temps que le titre de successeur de Fénelon comme éducateur de l’Enfant de France, 9 000 livres de traitement.

Le 3 juillet, après le souper des prisonnières, c’est-à-dire à dix heures du soir, les municipaux de service au Temple, Eudes, tailleur de pierre. Gagnant, peintre, Véron, parfumeur, Cellier, défenseur officieux, Devèze, charpentier, et un certain Arnaud, exerçant la singulière profession de « lecteur secrétaire. » se présenteront à la Reine et lui donnèrent lecture de l’arrêté du Comité de salut public. De la scène déchirante qui suivit on ne possède que deux relations très succinctes : la première est le procès-verbal des Commissaires de la Commune ;