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mère, sa sœur et sa tante, et il faut d’abord arriver à le séparer d’elles : le 29 mars, une députation de la section du Finistère se présente à la Commune pour demander le prompt jugement de la Heine et d’Elisabeth et proposer de réunir les sections « à l’effet de rédiger une adresse à la Convention sur les mesures à prendre pour que le fils de Louis XVI ne succède pas à son père. » Chaumette a-t-il soufflé la motion ? On ne peut le dire ; mais il l’approuve, et les pétitionnaires sont admis « aux honneurs de la séance, » Il proclame avec tant d’éclat l’urgente nécessité de resserrer la détention que le cordonnier Wolf, qui fournit Madame Royale et Madame Elisabeth, est pris de peur : si les brodequins et bottines qu’il envoie au Temple allaient être considérés comme moyen de correspondance ?… Et le voilà déclarant à la Commune qu’il ne peut répondre des marques « qui se trouveraient dans la fourniture de six paires de souliers pour la sœur et la fille de Louis Capet, ces souliers ayant passé de main en main… » La municipalité nomme deux spécialistes, — dont l’un est Simon, bien entendu, — « pour vérifier ces chaussures et savoir si, dans leur contexture, elles n’ont rien de suspect. » Maintenant on élève un mur de dix-huit pieds de haut, qui entourera la prison et celle-ci sera dégagée complètement de toute construction parasite. Il semble, au renforcement exagéré de ces précautions, voir un prestidigitateur préparant un tour et s’appliquant à en exagérer l’apparente difficulté. On se les expliquerait si les tentatives d’évasion, dont la réalité n’est pas douteuse, servaient à en justifier la nécessité ; mais, au contraire, ces tentatives, on affecte de les considérer comme étant sans importance : on n’a ni recherché ni inquiété leurs auteurs. Si bien que ceux des membres de la Commune qui sont demeurés lucides et s’offrent le luxe de réfléchir, ne comprennent rien à ces anomalies. L’un d’eux, Goret, écrivait : « Qui avait fait prendre toutes ces précautions dont une partie pouvait être superflue ? Je l’ignore ; je ne les ai jamais entendu délibérer dans le Conseil Général, et j’ai toujours pensé qu’un parti occulte et puissant mettait la main à tout cela à l’insu du Conseil et même du Maire qui le présidait. » Et Verdier, flairant une énigme, dira : « Les municipaux, … excepté ceux initiés aux mystères, voyaient de plus près les horreurs qui se passaient ; mais ils n’en connaissaient pas plus que les autres citoyens les motifs et les instruments.