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de la Roumanie et la chute du front oriental. Brest-Litovsk est « lu 3 mars 1918, Buftea du 5 mars ; bientôt la grande offensive allemande va déferler sur la France. Ce sont les mois où la Grèce nous rend des alliés perdus.

Sans doute, le peuple grec, mobilisé depuis septembre, aspire aussi au repos ; la discipline est assez molle quand le bakchich est règle administrative, là où l’indolence orientale, les ravages des invasions successives contre-balancent la « grande Idée, » « Tu as un bel uniforme, disait un sergent de l’armée nouvelle à une recrue flambant neuf. — Tu le désires ! Qu’à cela ne tienne ! » Et le jeune soldat de donner son uniforme bien taillé au sous-officier chargé de la garde : rendu au costume civil, il rejoignait son foyer. A cette anecdote authentique s’ajoutèrent de plus graves erreurs. En juin, les premières troupes du 2e corps quittent la Vieille Grèce, leur pays, et arrivent en Macédoine ; 800 hommes de la division de Patras, cantonnés à Verria, gagnent la montagne avec leurs armes ; le conseil de guerre a raison des meneurs et la faim des égarés. En revanche, le 30 mai 1918, les divisions du corps d’armée de la Défense nationale montent à l’assaut d’un saillant bulgare, la hauteur du Skra di Legen qui domine la vallée de la Lioumnitza et la rive droite du Vardar, emportent les tranchées ennemies, capturent 2 000 hommes, un régiment entier. Expérience concluante de l’emploi des troupes nouvelles, certitude d’un moral offensif préparant la victoire commune. « Nous vous rendons Navarin, » disait un jeune officier hellène avec fierté, non sans gratitude : l’affaire était petite : le mot ne manquait pas de grandeur.


JACQUES ANCEL.