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et hommes ont fort à apprendre : ils s’en rendent compte et se confient aux instructeurs français. Au front, dans les trous de termites, creuses sur les pentes qui surplombent Monastir, c’est un bourdonnement de ruches au travail : les pioches sonnent, mais aussi les cris des soldats qui gesticulent ; quelques marmites leur enseigneront la prudence. Quant à l’arrière, au son aigrelet des fifres, les uniformes kakis défilent devant les généraux français, sur leurs minuscules chevaux les officiers s’efforcent en vain à obtenir la cadence, mais c’est d’un chœur unanime qu’éclate le « Zilo Gallia, » le « Vive la France, » qui affranchira leur patrie. Une seule cause de stupeur : notre tolérance à l’égard du Roi.

Cette condescendance, que n’altèrent même point les massacres de nos soldats dans Athènes les 1er et 2 décembre, il faut la révolution russe pour y apporter un terme ; le 11 juin 1917, l’ultimatum présenté par M. Jonnart fait enfin l’union de la Grèce. M. Vénizélos rentre à Athènes et déclare la guerre aux Puissances centrales. Sous la direction du général Bordeaux, attaché militaire, devenu major général de l’armée hellénique, de l’intendant Bonnier qui, sous le titre de directeur général des services, met de l’ordre dans les deux ministères de la guerre, du ravitaillement, la mission d’Athènes lève et dresse une armée de 200 000 combattants.

Ce n’est que par étapes que la mobilisation put se faire : il fallait ménager l’opinion d’un certain nombre, pervertie par la propagande des Dousmanis, par les finances du baron Schenk ; il fallait dissoudre les ligues d’épistrates, ramener l’union dans le pays divisé ; il fallait transporter les régiments, dont l’Entente avait jadis exigé l’éloignement au Péloponnèse, dans leurs garnisons du temps de paix, refondre les cadres, dont quelques-uns restaient attachés à l’ancien régime ; il fallait surtout faire l’inventaire du matériel nécessaire, le commander à l’Entente, le recevoir, le repartir. La France et l’Angleterre prennent à leur charge l’armement, l’habillement, les subsistances ; mais elles n’ont pas l’armée grecque à pourvoir seule. Aussi procède-t-on, non à une mobilisation simultanée dans toute la Grèce, mais à une mobilisation par division, échelonnée. Le général Guillaumat prend le commandement des armées alliées le 23 décembre ; tout de suite il se consacre à cette tâche et, par une direction plus confiante, lui donne une impulsion vigoureuse.