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à leur tête les colonels Mazarakis et Zymbrakakis. La gendarmerie crétoise fournit les cadres à cette armée.


Le 30 août, à Salonique, la révolution éclate. Les chefs du pronunciamiento entraînent leurs hommes dans la rue de Salamine, au Q. G. du général Sarrail : quelques volontaires en armes, en uniforme multicolore, sur la tête la casquette plate de l’armée grecque germanisée, les gendarmes crétois aux amples culottes noires et au bonnet d’astrakan, des civils, de mine patibulaire par la misère de leur costume, mais dociles, placides, malgré le fusil qui se balance à leur épaule. Voici le colonel Zymbrakakis, petit, vif, noir, au teint, au verbe enflammé : il descend de son cheval, monte chez le général Sarrail, remonte à cheval, prononce une véhémente harangue. Les quelque deux cents fidèles répondent par des acclamations, du geste, de la voix : Zito Vénizélos et Zito Sarrail ! Zito Hellas et Zito Gallia ! Un loustic (sans doute) lance : Zito Polémos ! « Vive la guerre), mais sa manifestation belliqueuse se perd, sans écho, parmi les cris. Les officiers de gendarmerie brandissent leur sabre. Le drapeau rayé bleu et blanc claque au vent qui souffle du port : la couronne royale y est effacée.

Il semble que tous soient d’accord : les autorités militaires sont supprimées, les autorités civiles subsistent. Le préfet du Roi prête de l’argent au gouvernement révolutionnaire. Celui-ci au surplus s’empare des attributions royales, convoque les réservistes, s’intitule « gouvernement de la Défense Nationale. »

Le 31 août, au petit jour, tentative de contre-révolution : quelque fusillade dans les casernes ; la force française intervient pour rétablir l’ordre ; sur le Champ de Mars auto-canons et mitrailleuses, braqués sur les royalistes, les contraignent à respecter la liberté des manifestants ; à midi, la faim oblige les récalcitrants à rendre leurs armes. On se contente de les embarquer, et, bien nourris sur le bateau qui les mènera à Athènes, ils remercient leurs geôliers de leur épargner la bataille en faveur de leurs convictions ! Un paysan et son mulet, égarés parmi les rares balles, furent les seules victimes de cette journée de combat.

Quelques jours plus tard, débarquait à Salonique le millier d’officiers et de soldats partis de Kavalia pour échapper aux