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dix mois sous les armes, mais qui avaient été en Macédoine noyés dans la population bulgarophobe, dans une armée fière de ses souvenirs de 1912, convaincue que l’ennemi héréditaire était toujours le Bulgare ; revenus chez eux, désorbités, ignorant naturellement les collusions des coulisses, gardant une certaine confiance dans le Bulgaroctone de 1913, ils furent travaillés activement par le gouvernement, par l’Etat major, entrèrent en nombre dans les ligues d’épistrates, reformant sous main une garde royale. En second lieu, la démobilisation laissait la frontière dégarnie : les Bulgares virent l’occasion d’occuper sans coup férir la Macédoine Orientale et la côte grecque de l’Archipel, désirée depuis quarante ans ; les Allemands se tiraient par un mensonge de leur situation délicate, permettant à Ferdinand de s’installer en Macédoine, promettant à Constantin que l’occupation serait provisoire, que la souveraineté, les populations grecques seraient en tout état de cause sauvegardées. D’autre part, grâce à la domination bulgare, Constantin vit la Macédoine vénizéliste soustraite aux élections nouvelles que l’Entente venait d’imposer. Le 18 août 1916, les Bulgares marchent vers le Sud : les faibles troupes helléniques, laissées dans l’ignorance des tractations, coupées de leurs communications avec Athènes, sont désorientées. Les garnisons de Drama, de Serrès sont enlevées, expédiées en Allemagne. Quelques troupes de la division de Serrès, malgré les ordres qui leur imposaient l’immobilité, se replient sur Kavalla.

A Kavalla, siège du 4e corps, un conseil des officiers supérieurs décide d’embarquer les troupes. Mais les bateaux sont insuffisants. Aucun ordre ne vient d’Athènes. Le bruit court que la révolution gronde à Salonique. Les Bulgares, accompagnes d’officiers allemands, invitent la garnison à se rendre à Drama : ceux qui obéissent sont cernés, désarmés. Quelques officiers de la division de Serres s’échappent de Kavalla et gagnent Salonique : là, ils communiquent à leurs camarades les résultats de la trahison de l’Etat-Major d’Athènes. La vieille haine contre le Bulgare se réveille : « Je vengerai ma femme et ma fille, » s’écrie un officier du 4e corps. A Salonique, un comité rassemble des volontaires, armée nouvelle qui veut résister ; en 15 jours, 600 se présentent, pour la plupart réfugiés d’Asie-Mineure ou anciens soldats des guerres balkaniques ; à la fin d’août, deux bataillons sont levés (1 300-1 400 hommes) ;