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Cependant, dans la nouvelle Grèce, en Macédoine, dans les Iles, dans toutes les riches colonies grecques du monde, en Egypte, en Amérique, les libéraux montraient plus d’impatience et plus d’ardeur. En décembre 1915, quelques fonctionnaires et officiers de Salonique prennent l’engagement mutuel de se séparer de la Grèce officielle, dès que la frontière sera violée par l’ennemi. En janvier 1916, tandis que, après la grève des électeurs vénizélistes, se réunit à Athènes la Chambre constantinienne, des affiches sont placardées, dans les rues de Salonique, qui mettent le peuple en garde contre ce Parlement-croupion. En mars, la gendarmerie crétoise de Salonique se déclare prête à adhérer à une révolution éventuelle.

La « neutralité » du Roi tient encore sous le charme ceux qui comptent assurer l’intégrité du territoire en regardant se battre les Alliés et les Centraux. En mai, coup de théâtre : cette neutralité s’effondre et les impénitents loyalistes ont enfin les yeux dessillés.

Le 23 mai, sous prétexte que les troupes alliées font des mouvements menaçants dans la région de Serrès, les Bulgare-Allemands, qui jusqu’alors avaient respecté scrupuleusement la frontière, se présentent devant le fort d’arrêt de Roupel et somment le commandant d’évacuer la place ; celui-ci refuse, fait tirer quelques coups de canon contre les envahisseurs, demande des instructions à Athènes : on lui donne l’ordre de se retirer.

L’émotion fut grande en Grèce : livrer sans combat une parcelle du pays libéré en 1912-1913, ouvrir la porte de Salonique au Bulgare qui ne cessait de convoiter la ville, qui ne s’était pas résigné sans espoir de revanche au premier traité de Bucarest : pour tout patriote grec, c’était l’incompréhensible. Les raisons données par le gouvernement de Scouloudis, qui sauvegardait, disait-il, la neutralité de la Grèce en tenant la balance égale entre les occupants de Salonique et les nouveaux envahisseurs, étaient empreintes de mauvaise foi. L’Entente se détermine à le comprendre dans l’ultimatum du 21 juin, qui exige le renvoi du gouvernement anti-constitutionnel et la démobilisation. Pourtant elle ne s’en prend pas au Roi, intangible.

La démobilisation, en juillet, eut deux résultats immédiats. D’abord, elle fit rentrer en vieille Grèce les réservistes depuis