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Les paysans se voient interdire de vendre à l’intendance française du foin, des légumes frais, du bétail. Cela n’empêche point la Chambre de commerce de Salonique de réclamer au général Sarrail le ravitaillement de la population : « Un des devoirs de la souveraineté, répond le général, est d’assurer la nourriture des citoyens ; le commandant en chef, trop souvent accusé d’attenter à la souveraineté de la Grèce, n’aurait garde d’empiéter sur les charges que doit assumer l’administration.»

Jusqu’alors on n’a point de preuve précise de la collusion de l’État-major hellénique et des Germano-Bulgares. Turcs et Allemands, qui résident toujours à Salonique, préparent bien quelques attentats. La Banque de Salonique reçoit bien un million de marks destinés évidemment à la propagande, peut-être à des coups de force. Le 30 décembre, un avialik étant venu bombarder la ville (et n’ayant au surplus tué qu’un pâtre qui se dodinait sur les remparts), le général Sarrail fait arrêter les chefs de l’espionnage ennemi, les consuls allemand, autrichien, bulgare, turc et leur monde, en tout une cinquantaine de personnes qui sont immédiatement embarquées. Les documents saisis au consulat d’Autriche dévoilent un service d’espionnage, des coffres-forts largement remplis, une fabrique de faux passeports, une officine d’explosifs. Le 2 janvier 1916, le général commandant le 3e corps hellénique étant venu présenter ses vœux de nouvelle année, le général Sarrail lui met sous les yeux une lettre de la femme du consul d’Allemagne : celle-ci y regrettait le sacrifice des braves soldats allemands pour cette racaille grecque et souhaitait que, dans un bref délai, l’armée germano-bulgare jetât tout à la fois à la mer les Hellènes et les Alliés,

La collusion de Constantin et des empires centraux s’affirme par la concentration même de l’armée grecque royaliste. Les 4e et 5e corps bulgarophobes, remplis d’officiers vénizélistes, sont écartés vers l’Est (Drama, Kavalla, Orfano), pour ne point troubler l’ennemi dans sa liberté de manœuvre, tandis que les autres corps d’armée sont ramenés vers le Sud (le 2e à Verria-Vodena, le 3e sur la Vistritza), pour laisser la Macédoine grecque au Bulgare, qui s’y ravitaillerait à l’aise après avoir épuisé la Macédoine serbe du Nord.

Cependant, le général Sarrail est autorisé à prendre toutes les mesures de sécurité utiles : le 15 janvier, on lui permet de