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les moindres replis des montagnes, ils tentent de nous devancer à la sortie du défilé, s’infiltrent dans le massif boisé de la Marianska planina sur la rive droite du Vardar. Soudain nos flanc gardes, bivouaquant dans la vallée encaissée de la Petrovska, sont assaillis par une pluie de shrapnells et par les baïonnettes qui dévalent les pentes : c’est la nuit, nos fantassins chantent pour se reconnaître, organisent en hâte une position, arrêtent les Bulgares, qui regagnent les hauteurs. Le 7 décembre la gare de Stroumitza est incendiée ; le tunnel et le pont sur le Vardar sautent, la voie est éventrée.

C’est au tour de ces troupes à protéger le dispositif de retraite : à peine ont-elles franchi les gorges, qu’elles prennent, face à l’Ouest, des positions défensives, tandis qu’à leur droite. Français et Anglais, qui tenaient les crêtes du Bélès, vont faire un bond en arrière et s’installer au Sud de la rivière Boemia. Le maquis contre les plateaux arrosés par la Petrovska, la Boemia, ces deux affluents du Vardar, et, depuis la sortie des gorges, soumis au plus doux climat littoral : buissons épineux, houx, lentisques, épais parfois de deux mètres, collines embroussaillées que seule déblaie la hache. Les hommes qui luttent le jour contre l’ennemi, la nuit contre la nature, n’en peuvent plus : le soir du 7 décembre, ils se couchent sur la terre, sans songer même à manger la soupe ; et ce sont les officiers qui, à leur place, montent la garde. Le lendemain, ils sont attaqués : durant deux jours, sans arrêt, ils creusent des tranchées et combattent ; ils résistent sur les crêtes entre la Petrovska et la Pardovitza, et, quand l’aile droite se fut repliée sur la ligne Tchernitza-Dedeli-Doïran, ils se retirent à leur tour.

La ligne alliée, sur les crêtes qui séparent le bassin de Boemia de celui de Guevgueli, couvre Guevgueli même, devenu par ses casernes, ses hôpitaux, ses magasins, ses ateliers, ses dépôts, le centre administratif de l’armée. L’évacuation n’y est pas terminée quand, le 10 décembre, l’attaque bulgare se déclenche de part et d’autre du fleuve, arrive à l’Ouest jusqu’à Gourintchet à cinq kilomètres de la ville, et, à l’Est, s’infiltrant grâce au brouillard, descend l’humide vallée du Tchinarli. Menacés, notre artillerie, nos convois sont contraints à une retraite de nuit par la montagne. Mais les deux régiments de marche d’Afrique demeurent sur les positions avancées.