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Salonique. La faiblesse de nos effectifs ne nous a pas permis d’obtenir une décision. La Grèce officielle nous est hostile, l’Entente ne parait point désireuse de rompre ouvertement avec elle ; Vénizélos lui-même, qui n’a pu remplir sa tâche, se recueille, n’est pas résolu encore à « gagner la montagne, » laisse le pays faire un stage dans l’illégalité pour l’amener à la révolution par la persuasion et la douceur.


Par la voie unique Krivolak-Salonique il faut évacuer le matériel et les trois divisions de Serbie. Les Bulgares attaquent de trois côtés à la fois : au Nord, sur notre tête de pont de Krivolak ; à l’Ouest, sur la Tcherna ; à l’Est, sur les crêtes-frontières de Kostourino ; leurs éléments légers, qui se glissent sur la rive droite du Vardar, attaquent les convois qui passent ; leur artillerie du Bélès bombarde le chemin de fer du Vardar. Dès le 25 novembre, la neige se met à tomber en flocons drus, cachant les pistes, dissimulant les ravinements dont la région est coupée ; la température s’abaisse à — 17e, et certaines nuits à — 20° ; la moustache, la barbe gèlent ; au matin, les petites tentes basses sont quasi ensevelies sous 30, 40, 50 centimètres de neige ; pour frayer un chemin à leurs canons, les servants, munis de pelles, doivent précéder les attelages ; les conducteurs vont à pied, tenant les chevaux par la bride ; à chaque descente, il faut munir les roues de cordes, s’agripper aux pièces qui rouleraient dans les ravins ; aux montées, il faut doubler les équipages, hisser un à un les caissons, les canons, et, dans les trous recouverts de neige, les convois d’infanterie s’enlisent.

Le repli doit s’exécuter en quatre temps : sur Demir-Kapou, sur Stroumilza-Station, derrière la Boemia, sur la frontière grecque. Avant tout il ne faut pas donner l’éveil à l’ennemi ; il faut vider le camp retranché de l’angle Tcherna-Vardar, tout en lui conservant son aspect : gober l’œuf, dit un chef, aspirer ce qu’il contient, laisser le contour, la coquille, puis, quand elle sera vide, la briser.

Le 23 novembre, la crête de Kocharka, qui surplombe au Nord les Portes de Fer, est prise ; les trains peuvent circuler librement. Les convois administratifs et sanitaires sont envoyés