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gauche de la Tcherna (6 novembre) : ici la « rivière noire » est sortie des massifs anciens, des gorges profondes de sa boucle, et, dans le bassin du Tikvech, fraie vers le Nord et vers Vélès le passage d’une plaine sablonneuse.

Le 30 octobre, sous la poussée du nombre, les Serbes évacuent Vélès. Les Bulgares attaquent plusieurs fois le front français de la rive gauche de la Tcherna, la dernière du 13 au 16 novembre. En vain : ils sont repoussés, perdant 3 à 4 000 hommes. Mais, le 5 novembre, les Austro-Allemands et Bulgares ont fait leur jonction ; d’autre part, le 13, les Bulgares, en s’infiltrant dans la Babouna, qui domine au Nord-Ouest Prilep, tournent la défense de cette ville ; les 18 et 19, les contre-attaques serbes sur le défilé de Katchanik échouent. Pour éviter l’encerclement, les Serbes sont contraints à une nouvelle retraite vers le Sud-Ouest, s’éloignant définitivement de l’armée alliée qui ne pouvait les atteindre. Déjà, de l’autre côté, la ligne de communication est précaire entre l’armée qui tient bon, isolée dans l’angle Tcherna-Vardar, et la base de Salonique : la voie unique du chemin de fer est à la merci des volontés grecques défaillantes, des coups de main des comitadjis bulgares, qui tirent sur notre ravitaillement quotidien ; aucune route ne double la voie entre Guevgueli et Salonique, entre Demir-Kapou et Stroumitza-Station ; nos régiments sont embarrassés de leurs trains, des convois qu’ils traînent à la mode européenne, peu adaptés à ces pays découpés, ravinés, montagneux ; même entre les quais et les magasins de Salonique, on manque de moyens de transport. La mauvaise saison est venue ; la pluie transforme les plaines en fondrières où les attelages, les canons enfoncent jusqu’aux genoux, jusqu’aux essieux ; le vent du Vardar souffle un froid précoce ; nos hommes n’ont d’autre abri que la toile de tente individuelle, et certains régiments venus des Dardanelles n’ont pu encore toucher les effets chauds pour l’hiver.

L’armée française n’a subi aucun échec : elle a tenu tête à la poussée bulgare. Mais elle est aventurée, et son aventure devient sans objet par suite de la retraite de l’armée serbe, qui prend le chemin de l’Albanie. Les Austro-Allemands sont à Mitrovitza, à Prichtina. Les Bulgares disposent de nouvelles forces, rendues libres par la retraite serbe. Le 22 novembre, le général Sarrail décide de replier ses troupes sur