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à Stroumitza, 240 kilomètres de Salonique à Ouskoub, première ville de la Serbie, et, pour les joindre, une seule route, le chemin de fer à une seule voie ; la ligne au reste est grecque et les wagons ne sont pas pour nous. Ainsi nos 18 bataillons, que nos marins amènent sur les sables de Salonique, s’ils parviennent à donner la main aux 190 bataillons serbes (les Anglais ont ordre de ne point bouger de la ville), ne se heurteront pas seulement aux 340 bataillons ennemis. Les obstacles, ils les trouveront encore dans la nature même de la Macédoine, dans ses 40 degrés de l’été, dans ses — 20 degrés de l’hiver, dans le paludisme de ses plaines torrides, dans l’âpreté de ses montagnes pierreuses et déboisées. Déjà nos hommes s’enlisent dans les marais du Vardar et cassent leurs pioches dans les premières tranchées des contreforts du Bélès.

Du littoral vers la Serbie deux voies d’accès se présentent : les seuls chemins de fer, les seules routes les suivent. A l’Est, la vallée du Vardar, le chemin de fer Salonique-Ouskoub ; à l’Ouest, la série des plaines qu’empruntent, au delà des montagnes qui barrent la campagne salonicienne, la route de Kozani-Kaïalar-Florina-Monastir-Prilep et le chemin de ter Salonique-Monastir sur son parcours depuis Ostrovo. C’est par ces routes que l’invasion du Nord descend en Macédoine, tandis que la mer, autre voie historique, dépose les adversaires éventuels, l’armée grecque, qui faillit à sa tâche séculaire, et, se substituant à elle, les nouveaux croisés qui importent la civilisation d’Occident.

En dehors de ces zones de liaison, la Macédoine apparaît complexe, confuse. Peut-elle même se définir autrement que de façon négative ? Elle n’a aucune unité, ni historique ni linguistique, ni ethnique ni religieuse. Tour à tour, les immigrants, les marchands, les soldats, irréguliers ou patriotes, agglutinés en bandes ou enrôlés sous un drapeau national, ont laissé des traces sur le sol macédonien ; chacun y a déposé ses enfants, son idiome, son rituel, ses gendarmes ; chacun relève aujourd’hui des crânes ou des verbes, les victoires de ses armées conquérantes ou les lois de ses princes administrateurs, un folklore, ou des traditions religieuses, et édifie, sur des bases à apparences scientifiques, le monument rêvé à l’hégémonie nationale. Mais c’est au delà de la Macédoine que les nations balkaniques ont pris naissance, et, si les hasards de l’histoire