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de la santé, de l’intendance est mis à quai au petit bonheur. Nos paysans jurassiens doivent tout faire : servir de débardeurs, acheter de force les approvisionnements indispensables, passer cuire à la mauvaise volonté des autorités locales, à la sourde malveillance d’une foule inquiète, troublée dans sa mollesse orientale comme dans sa turbulence de marchands.

Mais Salonique n’était qu’un quartier général. L’armée nouvelle, en pleine saison des moustiques et des fièvres, s’enfonçait, s’embourbait dans la vallée du Vardar. Sur la route de Stroumitza, a Rabrovo, le 22 octobre, nos avant-gardes heurtent les premiers bataillons bulgares : le village reste en nos mains.


I. — LE SAUVETAGE DE L’ARMÉE SERBE

L’impérialisme bulgare rencontrait sur le chemin de Salonique un adversaire inattendu.

Jusqu’alors notre diplomatie, peu soucieuse des querelles ethniques, s’était entêtée à marier le Grand Turc et la République de Venise. Le 14 septembre encore, se flattant d’obtenir le concours bulgare, elle avait paru se désintéresser des Serbes et des Grecs en faveur de leurs éternels rivaux. Un mois plus tard les troupes françaises tentaient de donner la main aux Serbes et, pour maintenir la ligne de communication du Vardar, défendaient, malgré l’insouciance hellénique, la frontière de la Grèce et la grande « ville convoitée. »

L’armée d’Orient a pour unique tâche de tenter la liaison entre l’armée serbe et la mer.

Le maintien des lignes de communication entre la Serbie et Salonique, entre Salonique et la France, c’est le souci essentiel pour cette petite, cette faible armée. Les forces des coalisés la jetteront-elles à la mer ? L’Etat-major allemand le proclame, l’Etat-major grec le répète et y souscrit. D’une part le danger ennemi, la forte armée germano-bulgare, d’autre part l’équivoque grecque, cette armée qui se forme aux mains des germanophiles ; puis les sous-marins qui guettent le ravitaillement des enfants perdus de l’Entente, les boues qui les empêchent d’avancer ou de reculer à leur guise, les fièvres qui chaque jour diminuent le nombre des combattants, la distance enfin, le grand ennemi : il y a plus de 100 kilomètres de Salonique