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que par l’alimentation mauvaise, réduite à un groupe et une batterie de montagne, quelques pièces d’artillerie lourde sans chevaux. La 114e brigade, à laquelle sont jointes une batterie de montagne et une batterie montée, a été embarquée en hâte en France et n’a point été transformée pour cette guerre en pays nouveau : on a seulement remplacé ses voitures à quatre roues par des véhicules à deux roues, modification insuffisante pour la Macédoine sans routes ni pierres, où la neige et la boue hivernales risquent d’imposer la stagnation.

Telles sont les forces dont à la mi-octobre le général Sarrail dispose en mettant pied sur la terre d’Orient.

Débarquement modeste, timide. L’Entente ne fait point claquer ses drapeaux. Les premiers contingents d’étapes, des zouaves, les interprètes qui préparent les gîtes, ne veulent point éveiller l’attention des indigènes, de certains Grecs qu’on devine hostiles. Voici nos élèves de l’Ecole d’Athènes, mobilisés honteux par ordre, qui ont dû, pour parcourir la ville, troquer en hâte leur uniforme pour le bourgeron et le chapeau de paille, tirés des soutes de nos vaisseaux. Il faut trouver des quais, des chariots, des cases. On respecte la fiction de la neutralité hellénique, et on prie, on n’exige point. Le consul de France, très vieux, très doux, très triste, ménage les susceptibilités nationales. Le général Moschopoulos sourit, promet, tergiverse, donne des ordres, se croise les bras. Les quais sont encombrés : nul ne les décharge. Les chars macédoniens, qui la veille encore faisaient crisser leurs roues pleines sur les pavés disjoints de la ville et poussaient du port aux campagnes les buffles flegmatiques et noirs, sont subitement introuvables. Les casernes, vides hier, se peuplent de haillons et d’officiers aux épaulettes d’or, aux innombrables boutons de cuivre, au long sabre courbe qui traîne à terre. Il est interdit aux indigènes de vendre quoi que ce soit aux troupes françaises : défense de louer l’immeuble le plus mesquin, lo chariot le plus exigu : des propriétaires, qui ont logé des officiers français, sont menacés de prison, mis à l’amende. Enfin l’on obtient un emplacement de bivouac : c’est à l’Ouest de la ville, dans la plaine de Zeitenlik, encore semi-marécageuse, le site le plus malsain de l’endroit. Le 24 octobre, la 113e brigade « reste de la 57e D. I.) arrive : mais elle n’a pas ses services. Sans troupes d’étapes, sans main-d’œuvre, sans abris, le matériel du génie,