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d’autres, et d’autres, héritiers des plus beaux noms de France, ont eu la manière. Et cette manière-là a servi grandement à la victoire. Et elle s’est à jamais imposée à notre admiration et à notre reconnaissance.

Ce souvenir nous hantait en écoutant cette pièce d’avant-guerre à laquelle la guerre a apporté de tels correctifs. Les fils du prince d’Aurec, et ceux aussi du baron de Horn, ont si largement payé leur dette à la patrie que nous en devenons moins sévères pour leurs pères. Ce flot de sang généreux a emporté les tares et les erreurs d’hier. Non que je sois disposé à croire, comme beaucoup de gens le répétaient dans les couloirs, que dans la France d’aujourd’hui il n’y a plus de castes et plus de classes. C’est aller un peu vite en besogne. Contentons-nous qu’il n’y ait plus de guerre entre les classes : ce sera déjà un joli résultat. Souhaitons que l’aristocratie de vieille date s’adapte aux conditions de la société nouvelle ; n’exigeons pas qu’elle disparaisse : nous ne gagnerions rien à la remplacer par les nouveaux riches. Elle a un rôle à jouer ; elle est une force que notre passé nous a légué et que nous ne devons pas laisser se perdre. Nous n’avons pas trop de toutes nos forces pour faire à la France l’avenir qu’elle a si magnifiquement mérité.

L’interprétation que le Prince d’Aurec a rencontrée à la Comédie-Française, est loin de valoir celle du Vaudeville. M. Henri Mayer avait dessiné avec une rare intelligence une silhouette de gentilhomme ultra-moderne faite de scepticisme et de veulerie ; Mme Jeanne Hading avait été vraiment grande dame ; et tel rôle épisodique, comme celui de Montréjeau (Montréjeau plus haut ! — Pavane !...) avait été tenu à ravir par Galipaux. C’était rapide et brillant, impertinent et jeune, d’une grâce qui atténuait heureusement les duretés de la peinture. Au contraire, l’interprétation de la Comédie-Française alourdit, pèse, accentue, durcit, accuse. M, Grand ne donne aucunement l’idée d’un prince d’Aurec qui aurait de la race, et Mme Cécile Sorel danse à ravir mais elle dit moins bien. Quant à M. de Max, qui joue le rôle du prince de Horn en traître de mélodrame, c’est lui qui fausse le plus le caractère de l’œuvre. La seule Mme Kolb, en duchesse de Talais née Piédoux, sait faire applaudir ce savoureux mélange : la vulgarité des manières et la noblesse des sentiments,

... M. Henri Lavedan se souvient-il de la belle fête qu’il nous donna pour la centième du Prince d’Aurec ? C’était au foyer du Vaudeville. Au haut de l’escalier Henri Mayer et Jeanne Hading faisaient les honneurs : le prince et la princesse d’Aurec recevaient leurs invités,