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personne, et qu’il a, — justement de ce balcon-là, — assisté au défilé de la Victoire. Tout le décor est peint avec une exactitude minutieuse et donne l’impression de la réalité dans chacun de ses détails, jusqu’à celui-ci, qu’on n’inventerait pas : l’envoyé du fisc venant faire le compte des personnes payantes et donc taillables et corvéables ! Dans ce cadre réel, M., Donnay a fait tenir des épisodes de la plus divertissante fantaisie et d’amusantes scènes dont la plus applaudie se joue en anglais. Les petites Friolley continuent à se disputer l’homme désigné à leurs convoitises, cependant que Friolley père serre de près l’affriolante femme de chambre et brûle de la suivre jusque sur les toits pour contempler de ce poste élevé la rentrée de nos troupes victorieuses.

Ai-je dit que Philippe Guersant s’est fait chauffeur ? Entre les honoraires d’un avocat et les gains d’un chauffeur, la balance n’est pas égale. Philippe a donc quitté la barre pour le volant. Le jour il conduit sa machine et le soir il va dans le monde. C’est le même genre de calcul qui a poussé Simone à prendre le tablier de femme de chambre : si elle se fût obstinée à enseigner le français, usant des brevets qui certifiaient son aptitude, elle serait tout bonnement morte de faim. Ainsi vont les choses. Tant pis pour ceux qui ont choisi une profession au lieu d’un métier ! Ces deux jeunes gens sont dignes de se comprendre, ayant si bien compris leur époque. Leur union fera un ménage bien lendemain d’armistice. Et les petites Friolley en seront pour leurs frais. Car les temps sont durs pour les ci-devant classes aisées.

Ainsi se poursuit, sous les apparences de la fantaisie, une indulgente satire de nos mœurs. Le dialogue, plein de gaieté et d’imprévu, se souvient du Chat Noir. Et le spectateur ne regrette pas qu’il y ait si peu de pièce, en songeant à tout ce que l’auteur a mis autour.

M. Raimu, dans le rôle de Friolley, est excellent de rondeur et de comique exubérant. Mme Jeanne Marnac a dessiné, avec une rare finesse et une agréable malice, la silhouette de Simone. L’ensemble de l’interprétation est chatoyant et gai.


Lorsque M. Henri Lavedan fit représenter le Prince d’Aurec, il y aura bientôt trente ans, il n’avait encore donné qu’une comédie. Une famille, jouée à la Comédie-Française où elle obtint un succès d’estime : je ne compte pas les Quarts d’heure, une petite plaisanterie pour le Théâtre libre. Ce fut son véritable début d’auteur dramatique :