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je pense, quelques services à l’Allemagne, qui l’a depuis lors volontiers adopté.

C’est de la Russie que le docteur H. me parle tout d’abord, et de la politique que les gouvernements de l’Entente poursuivent dans ce pays. « Plaçons-nous, me dit-il, au point de vue de l’Entente, que d’ailleurs je crois faux. L’Entente veut réduire le bolchévisme par la force. L’entreprise était réalisable. Une armée d’un demi-million d’bommes, peut-être d’un million, mais une armée régulière, bien équipée, bien armée, bien encadrée, eût pu venir à bout des bandes bolchévistes, en six mois ou en un an. Cela ne s’est pas fait. Les raisons ? je ne les connais pas, mais je puis en imaginer quelques-unes. Il se peut que vos soldats n’aient pas voulu marcher. Il se peut aussi que vous ayez pensé : quand nous serons entrés dans Rétrograde, il faudra ravitailler la population... Entrer à Pétrograde était pourtant le seul moyen de réduire le bolchévisme, en organisant un blocus effectif, toutes les voies ferrées et les principales voies fluviales passant par cette capitale.

« Le blocus que vous venez de décréter risque fort de n’être qu’une manifestation. Moyen accessoire, avec une action militaire comme moyen principal, passe encore. Mais le blocus seul, tel que vous pouvez le faire sans être à Rétrograde, ce n’est pas suffisant. Actuellement la Russie se ravitaille par l’Ukraine et par le Japon : l’Ukraine fournit des céréales, le Japon des produits fabriqués. Les petits Japonais, que les Russes ne haïssent point, qu’ils ne redoutent point, dont ils ne se méfient point, n’ont pas attendu la fin de la guerre pour prendre la place laissée libre par les Allemands. Pouvez-vous les empêcher d’inonder la Russie de leur population et de leurs produits ? Non. Pouvez-vous fermer la frontière de l’Ukraine ? pas davantage : il n’y a pas de frontière entre l’Ukraine et la Russie. Alors, il eût mieux valu ne point parler de blocus.

« En fait d’action militaire, vous avez opposé aux bandes rouges, non pas des armées, mais d’autres bandes, celles de Koltchak, de Denikine et de Youdénitch : dans ces conditions, la lutte peut durer indéfiniment. Les mêmes soldats, les mêmes pillards passent d’un camp dans l’autre, suivant la solde qu’on leur offre. Également terrorisé par les rouges et par les blancs, puisque au fond ce sont les mêmes, le peuple russe continue de payer les frais. Entre les deux partis, il fait