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VI. — BERLIN


LA RENTRÉE DU REICHSTAG


Berlin, 20 septembre.

Je suis allé ce matin au Reichstag, pour retirer la carte qui me permettra d’assister cet après-midi, de la tribune de la presse, à la séance d’ouverture de l’Assemblée nationale. Depuis la révolution, ce sera la seconde fois que les représentants allemands siègent à Berlin : la première fois, le palais législatif était occupé par le Conseil des Ouvriers et Soldats, et les députés avaient dû chercher asile dans le grand amphithéâtre de l’Université. ‘

A l’intérieur du Reichstag, on ne trouve plus trace des scènes tumultueuses qui se déroulèrent durant les journées révolutionnaires. On a soigneusement réparé les dégâts commis, en novembre dernier, par les délégués des Conseils. Les couloirs ont été remis à neuf. On a bouché les trous creusés dans les parquets pour fixer les trépieds des mitrailleuses. Dans le salon rouge, des fauteuils de cuir flambant neuf ont remplacé les sièges lacérés par les émeutiers. La grande statue de Guillaume Ier est toujours à sa place.

Dans le bureau du directeur, deux toutes petites brimades m’attendent : 1° sur la carte qui m’est destinée, on a calligraphié mon nom et mon prénom en caractères gothiques : c’est cocasse et illisible ; 2° on ne m’a pas réservé de place assise. Je rappelle poliment au fonctionnaire qui me reçoit, que jadis, avant la guerre, les journalistes étrangers avaient le droit de s’asseoir. « C’est vrai, répond-il. Mais nos journaux et leurs représentants parlementaires sont devenus si nombreux ! »

C’était un simple bluff, car, lorsque je suis arrivé dans la tribune de la presse, elle était aux trois quarts vide, et ne s’est point remplie au cours de la séance. Je n’ai eu, pour m’asseoir devant une table à pupitre, que l’embarras de choisir. Les tribunes réservées au public n’étaient pas mieux garnies. Décidément, la vie parlementaire n’intéresse plus les Berlinois, depuis qu’ils ont vu la révolution...

Le décor d’autrefois est intact. Comme au temps de Bülow