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les hommes d’affaires anglais et américains qui sont venus ici récemment. Nous avons besoin de coton brut. Les vendeurs nous en livrent à crédit une certaine quantité. Ce crédit est renouvelable aux conditions suivantes : l’Allemagne est tellement dépourvue de tout, tellement vidée, qu’elle absorberait à elle seule, peut-être pendant un an, la production la plus intensive. On lui laisse la moitié des produits qu’elle aura fabriqués. L’autre moitié est réservée à l’exportation et livrée aux vendeurs, qui ne font une nouvelle ouverture de crédit que lorsqu’ils ont pris livraison de la quantité de marchandises qui leur est due. En attendant, les stocks qui représentent ce nouveau crédit restent dans les magasins, soit au pays des vendeurs, soit même ici, sous leur surveillance.

« Ce que nous redoutons le plus, c’est une trop grande ingérence de l’État dans ce genre d’opérations. Si l’on veut que nous produisions, qu’on nous laisse libres de prendre des responsabilités et de courir des risques comme autrefois. Pourquoi interdire à nos commerçants d’importer des objets de luxe, s’ils se croient assurés de les vendre ? Mais nous abordons ici le terrain de la politique intérieure, sur lequel je ne veux pas m’engager.

— Prévoyez-vous de nouveaux troubles pour l’hiver prochain, une nouvelle révolution ?

— Il faut s’attendre à tout, même au pire. Mais le meilleur remède contre le désordre, c’est le travail. Si vous voulez que l’ordre règne en Allemagne, donnez aux Allemands les moyens de travailler. »

Lorsque je sors de la Hamburg-Amerika, le soleil est près de se coucher. Une promenade sur l’eau serait délicieuse. Un petit bateau à vapeur me transporte jusqu’à l’extrémité de l’Alster extérieure, à Uhlenhorst. Sur la rive orientale, les nombreuses escales sont autant de bastringues ; les terrasses des cafés à musique s’avancent jusque sur l’eau, et, tout le long des balustrades, les Zollen (petites barques), où des élégantes étendues flirtent avec de petits jeunes gens, se balancent au rythme odieux des rag-times ou des fox-trotts. Hambourg s’amuse, comme s’amuse Berlin. Qui donc me disait cet après-midi : « Notre bourgeoisie ne comprend rien à la gravité de l’heure présente, notre bourgeoisie a fait faillite... » ? Si c’était vrai !... Mais, pour ma part, je n’en crois rien.