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courtoises, mais n’éclairent pas beaucoup la situation. Le directeur Pelzer, chez qui l’on me conduit lorsque j’ai pris congé de M. Huldermann, apporte à l’entretien plus de vivacité. « Nos bassins sont vides, me dit-il, nos chantiers aussi. Pourquoi construirions-nous ? pour livrer à l’Entente nos bateaux neufs ? Elle exige de nous, vous le savez, 200 000 tonnes par an pendant cinq ans. Plutôt que de contribuer à cette livraison, nous avons annulé d’importantes commandes de construction. D’autre part, notre personnel nous quitte, attiré par les gros traitements qu’offrent les Américains et les Japonais. L’Allemagne n’aura tantôt plus d’ingénieurs, plus de mécaniciens spécialistes, plus de marins. C’est toute notre « intelligence » qui émigre, et nos ouvriers suivront.

« Avant 1870, l’Allemagne nourrissait à grand’peine de 35 à 38 millions d’habitants. Le travail intense et l’organisation méthodique que vous savez ont réussi à grouper dans ce pays, artificiellement, une population de plus de 70 millions. Nous allons forcément revenir à l’état naturel, et les Allemands quitteront l’Allemagne dans la mesure où il y aura des bateaux pour les transporter. Ceux qui resteront verront s’augmenter d’autant leur part de la dette qui pèse sur toute la nation.

« Voulez-vous que je vous dise franchement ma pensée ? Jamais vous ne verrez la couleur de notre argent. Jamais les Allemands, en ne travaillant que chez eux, ne pourront payer l’énorme tribut que vous leur avez imposé. Alors, faites-les travailler ailleurs. Ouvrez-leur vos colonies. Vous n’avez pas les moyens de les mettre vous-mêmes en valeur. Employez à cette tâche nos ingénieurs, nos entrepreneurs, nos commerçants, nos ouvriers. Cela nous permettra de vivre, et c’est pour vous le seul moyen de vous faire payer.

— L’idée, fis-je, n’est pas nouvelle. Le prince de Bismarck disait : « L’Allemagne n’a pas besoin de colonies, tant qu’elle a les colonies des autres. » Mais je doute que votre proposition trouve en ce moment grand accueil, soit en France, soit en Angleterre. Tenons-nous en donc à ce que les Allemands pourront produire en Allemagne. Tout le monde à Hambourg m’a dit : « Nous voulons travailler, mais il nous faut des matières premières, par conséquent du crédit pour les acquérir. » Comment pensez-vous obtenir les crédits dont vous avez besoin ?

— Voici, me répond M. Pelzer, le système qu’envisagent