Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 55.djvu/427

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


A LA « HAMBURG AMERICA »


20 septembre.

« Mein Feld ist die Welt. » — Mon champ est le monde, — c’est la devise orgueilleuse que Ballin, fondateur de la Hamburg-Amerika-Linie, a fait graver au-dessus de la porte principale du magnifique palais où siège la grande Société de navigation. Ballin travaillait avec ardeur, et avec succès, à réaliser son ambitieux programme, lorsque la guerre vint interrompre ses efforts. Sans attendre le dénouement, qu’il avait prévu, il se suicida.

Son successeur, le directeur Huldermann, me reçoit dans le grand cabinet dont les fenêtres s’ouvrent sur l’Alster. Au mur, une large plaque de bronze atteste la reconnaissance de l’Etat de Hambourg envers la Société. « Vous n’attendez pas de moi, me dit M. Huldermann, que je vous parle longuement de la navigation, puisque nous ne naviguons plus. Les seuls bateaux qui soient encore sur la ligne sont des bateaux américains, et leur service est irrégulier. Quelques-uns de ceux qui traversent l’Atlantique pour se rendre dans les ports anglais daignent pousser jusqu’ici. Nous n’avons d’ailleurs pas de cargaison à leur offrir, et ils repartent sur lest.

— Vous avez pourtant, dis-je, repris quelques relations d’affaires avec l’Amérique. Comment, de ce côté, envisagez-vous l’avenir ?

— C’est à peine si ces relations ont commencé, répond M. Huldermann. Nous ne savons pas encore où nous en sommes. Pendant cinq ans, nous avons été coupés du reste du monde. Nous recevons aujourd’hui les premiers rapports, qui nous apprennent ce que nous devons, ce qu’on nous doit, quelles entreprises et quels marchés on nous propose. Mais nos directeurs d’Amérique sont très réservés et ne disent que ce qu’ils veulent dire. Partout c’est le nouveau, l’incertain, l’inconnu. Le traité de paix n’est pas encore ratifié. Nous ne connaissons pas encore l’attitude que l’Amérique, que les autres nations adopteront vis-à-vis de l’Allemagne. Avant de rien entreprendre, nous voulons y voir clair, et nous attendons. « 

Les déclarations du premier directeur sont parfaitement