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faut des vivres, du linge et des vêtements ; il nous faut des matières premières pour notre industrie ; il nous faut du crédit. L’ouvrier a souffert longtemps de la faim ; aujourd’hui encore, il mange insuffisamment et mal. Il ne retrouvera sa capacité et son rendement d’autrefois que lorsqu’il sera mieux nourri.

« Si vous vous êtes promené dans les rues de Hambourg, vous avez pu voir combien de gens vont sans chemise ; même dans la bourgeoisie, on n’achète plus de bas pour les enfants : les bas sont trop chers ; ma fille, qui a douze ans, n’en porte point. Ah ! si l’Entente nous envoyait un bateau de sous-vêtements avant l’entrée de l’hiver, quel accueil on lui ferait dans le port de Hambourg !

« Je dois vous dire qu’ici la guerre n’a pas laissé dans les cœurs d’inimitié profonde : les Hambourgeois sont trop internationaux et .trop commerçants pour ressentir la haine qui peut encore subsister ailleurs. Ce qu’on n’a pas compris, c’est que le blocus économique fût maintenu après l’armistice. Peut-être y avait-il à cette mesure des raisons politiques ; mais elles échappaient à notre peuple, qui avait envisagé l’armistice comme la fin de ses longues souffrances. Quoi qu’il en soit, nous n’aspirons aujourd’hui qu’à une chose : travailler, reprendre les affaires avec tout le monde, et, lorsque le pavillon français réapparaîtra dans le port de Hambourg, il y sera le bienvenu.

« Nous avons besoin de matières premières en grande quantité et de crédits par milliards : nos stocks sont épuisés, nos coffres sont vides. La baisse continue du mark vient encore augmenter nos énormes difficultés financières. Mais je crois qu’un crédit d’une année nous suffirait pour remettre en mouvement notre industrie et notre commerce, et pour rétablir, dans une certaine mesure, notre vie économique.

« Il faudra que, pour quelque temps encore, l’Etat joue chez nous le rôle de distributeur et se charge de répartir entre les grandes entreprises industrielles et commerciales les matières premières et les crédits qu’il aura obtenus de l’étranger. Une répartition du travail sera également nécessaire, et la reconstruction du nord de la France en offre une première occasion.

« Vous trouverez partout chez nous la ferme volonté de réparer les dommages que nous avons causés ; nous considérons