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L’OPINION D’UN HAUT FONCTIONNAIRE HAMBOURGEOIS


18 septembre.

La Bourse, à Hambourg, est reliée par deux bâtiments d’aile au monumental hôtel de ville qui, depuis le jour où il a subi l’assaut des émeutiers, est occupé militairement. Pour joindre le docteur Heidecker, premier conseiller du département du commerce, de l’industrie et des transports maritimes, qui m’a donné rendez-vous à la Bourse, il me faut passer entre deux haies de fil de fer barbelé, expliquer mon cas à deux ou trois sentinelles, traverser une cour encombrée par deux pièces d’artillerie légère et leurs caissons, sans compter les cuisines roulantes. Enfin, les soldats me remettent aux mains d’un huissier civil, qui m’accompagne jusqu’aux bureaux de la Deputation (ministère) für Handelsschiffahrt und Gewerbe.

— Vous êtes bien gardé, dis-je au docteur Heidecker en le saluant. Ce sont là, je pense, des précautions inutiles ?

— Faute de les avoir prises à temps, me répond le haut fonctionnaire hambourgeois, nous avons vu les émeutiers mettre notre hôtel de ville dans le triste état où il est encore aujourd’hui. La révolution, à Hambourg, n’a duré que quelques heures et n’a été, en somme, qu’une grève des militaires. Si nous avions eu ici deux compagnies de soldats réguliers, il n’y aurait pas eu de révolution. Le Hambourgeois est paisible et raisonnable ; la politique l’intéresse beaucoup moins que les affaires. Notre peuple est républicain depuis trop longtemps pour être encore révolutionnaire.

— Et pour l’avenir, monsieur le conseiller, n’avez-vous pas de craintes ?

— Au point de vue politique, répond M. Heidecker, ce qui est passé ne reviendra plus. Je considère la restauration du régime monarchique et le retour des dynasties en Allemagne comme tout à fait impossibles. Peut-être passerons-nous par une dictature militaire, si cela est nécessaire pour rétablir l’ordre ; mais rien ne prévaudra plus contre la démocratie.

« Au point de vue économique, notre avenir est beaucoup plus incertain, parce qu’il ne dépend pas de nous seuls. Nous sommes tout disposés à nous remettre au travail avec bonne volonté et avec ardeur. Mais nous manquons de tout. Il nous