Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 55.djvu/420

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’église. Il ne venait ici que pour le rapport. D’ailleurs il n’est pas resté très longtemps à Pless. L’Empereur a encore célébré ici le Noël de 1916 : quelques semaines après, tout le monde est parti. »

Le régisseur me reconduit, toujours solennel, jusqu’au seuil du château, et me laisse seul sur la terrasse où, pendant deux années, furent peut-être ébauchés et poursuivis tant de rêves de gloire sanglante et de brutale conquête. Un tumulte de voix rauques, bientôt suivi d’un roulement de camions, vient me tirer de mes réflexions.

Je vais jusqu’au bout de la terrasse et j’aperçois dans la cour des communs des soldats qu’on embarque. Après avoir abrité l’Empereur et le grand état-major allemand, le château sert de cantonnement aux troupes chargées de réprimer dans le district les soulèvements polonais. Un ordre du commissaire Hœrsing est la cause de tout ce tapage. Les soldats s’entassent, les camions roulent et la troupe allemande quitte à grand fracas l’ancien grand quartier impérial, pour aller traquer le Polonais en forêt de Pless.


V. — HAMBOURG


Hambourg, 17 septembre.

Découvrir une chambre dans un hôtel à Hambourg est une entreprise. Pourtant il n’y a pas de bateau en partance, et les affaires sont calmes. Mais il s’agit bien d’affaires ! Hambourg n’est-elle pas ville de luxe et ville de sport ? Les nouveaux riches sont accourus en foule aux rives de l’Alster. Les quais présentent l’animation du temps de paix, à la saison ; le lac est sillonné d’innombrables voiles blanches ; la pureté du ciel, l’éclat modéré du soleil d’automne accentuent dans ce tableau la note de tranquille gaieté, il y a foule dans les restaurants à la mode ; on y trouve, en payant, à peu près tout ce qu’on désire. El pourtant Hambourg est peut-être la ville d’Allemagne où la misère est le plus horrible : on me l’a assuré à Berlin, les grèves récentes en témoignent. J’ai éprouvé il y a quelques mois, en arrivant à Vienne, une illusion pareille, bientôt dissipée. J’irai cet après-midi faire une tournée au port et dans les faubourgs, à Saint-Georges et à Saint-Pauli.