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glace protège les curieux autographes. Voici Wilhelm, empereur et roi ; en face de lui, le maître de la maison, Henri XV de Pless. Et voici Hirschfeld, le Flügeladjutant de Sa Majesté ; Plessen. son adjudant-général et son confident ; le comte Westphal ; le capitaine Zeiss, qui veillait sur les automobiles du grand quartier ; von Reischach, grand maréchal de la cour ; von Valentini, chef du cabinet civil ; von Müller, représentant de la Wilhelmstrasse ; Falkenhayn, Moltke, Gontard, Bentler, Estorff.

— Je ne vois pas le nom du maréchal Hindenburg ?

Le régisseur sourit et m’indique du doigt la date gravée au milieu de la table.

— Hindenburg, dit-il, n’est arrivé ici que plus tard, le 29 août 1916, lorsqu’il a pris la direction de l’état-major général. Mais auparavant il était venu à plusieurs reprises, comme invité, avec le général Ludendorff. La dernière fois, c’était à la fin de juillet ou au commencement d’août 1916. Il y avait dîner de gala au château ; beaucoup de généraux étaient venus du front et de Berlin ; l’archiduc Frédéric était là aussi, et le maréchal Conrad von Hœtzendorf, qui arrivait toujours en retard et ne parlait presque jamais à personne. Ce jour-là, il paraissait inquiet, allait de l’un à l’autre, comme pour s’enquérir de quelque chose qu’il voulait savoir et qu’on lui cachait. Enfin, comme on allait passer à table, il s’approcha du comte de Plessen et lui demanda : « Mais où est donc Falkenhayn ? J’aurais besoin de lui parler, je ne le vois pas. » Le comte répondit : « Falkenhayn ne viendra pas dîner ce soir, il ne se sent pas très bien. » L’Empereur venait de décider que Falkenhayn s’en irait et que le maréchal Hindenburg s’installerait à Pless comme chef d’état-major général. Dans l’antichambre que vous avez vue en bas, lorsque les invités vinrent reprendre leurs vêtements, il y eut encore de longues conversations. L’archiduc Frédéric, très animé et toujours essoufflé, parlait au maréchal Conrad, qu’il avait pris par un bras ; et le maréchal secouait la tête et disait : « Cela m’est égal, mais ce n’est pas mon avis. » Peu de temps après cette soirée, Hindenburg et Ludendorff arrivèrent ici avec plusieurs officiers qui n’y étaient jamais venus. Mais ils n’habitèrent point au château. On avait loué pour le maréchal la villa du docteur X..., que vous avez peut-être vue à droite de