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CARNETS
D’UN
FRANÇAIS EN ALLEMAGNE
(Juillet-Octobre 1919)

II [1]


IV. — AU CHATEAU DE PLESS


Fless, 6 septembre.

De Kattowitz à Pless, la route traverse une contrée fertile, riante, inattendue. Une campagne bien cultivée, semée de crosses fermes, et bientôt après, une magnifique forêt, coupée de clairières : c’est la forêt de Pless, où Guillaume II venait volontiers chasser. L’agrément de la promenade n’est gâté que par la rencontre fréquente de patrouilles, de colonnes, de convois, et par la pensée que cette forêt de luxe, soignée, peignée, aménagée pour le plaisir et la commodité des chasseurs, abrite aujourd’hui des milliers de malheureux fugitifs qui, chaque nuit, lorsqu’ils sortent de leurs repaires pour chercher dans les champs quelque nourriture, s’exposent aux coups de fusil des soldats allemands.

Cette contrée est beaucoup plus agricole qu’industrielle : rarement on y entendit parler de grève, et jamais de bolchévisme. Ici du moins, les Allemands ne peuvent pas mettre les troubles sur le compte du conflit social. Et pourtant, les fermes

  1. Voyez la Revue du 1er janvier.