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donc, et ma peine, et mon déménagement, et de l’argent. Ceci te rendra triplement heureuse, n’est-ce pas, ma ménagère ? Enfin, j’ai découvert que la gouvernante et Mme Grandemain ne se saluent plus, et, quand j’ai interrogé la gouvernante, elle m’a dit que Mme Grandemain, par des cancans au sujet du séjour de ces dames, l’avait mise dans le cas de lui répondre que j’étais libre, qu’elle l’était aussi. Enfin, le renversement total de son système de monsieur, madame. De là son envie de quitter la maison Grandemain. Mais je reste, et (je) reste avec d’autant plus de raison que, comme nous aurons sans doute la maison Franklin, je pourrai surveiller les embellissements, réparations, arrangements (etc.) et ne déménager qu’à mesure et à mon aise. Ce matin, le propriétaire vient, et je lui demanderai tout bonnement sa parole de me vendre (la maison) à cent mille francs, jusqu’au 1er janvier, sans que je sois forcé de prendre, et je t’en apporterai les plans (extérieur, intérieur), et le croquis. J’ai un pressentiment que ce sera notre demeure, au moins pour dix ans, et que, si Passy n’est pas réuni à Paris, si jamais nous y rentrions, nous serions assez riches pour garder cet éden, d’où Eve ne voudra sortir pour aucune personne.

Je reviens à ta lettre, et je t’en remercie, car je serai, je crois, toujours amant et jamais mari. Je l’ai lue avec tous les sentiments qu’elle excite, une adoration agenouillée moralement devant cette exquise perfection du cœur. Oh ! louloup, l’amour, l’amour violent et durable, nous tient collés l’un à l’autre !

Tu es bien ma femme, mon rêve et la réalité. D’entre chaque ligne sort une image de nos chers plaisirs, de notre union, de cette perpétuelle cohérence des âmes, même dans nos petites disputes, qui a marqué ces quatre mois et qui ne cessera jamais ! Je n’ai jamais aimé (que toi), je le sens ! Il n’y a pas en moi la moindre envie d’écrire autre chose que ce que je t’écris. Ah ! voilà comme une Evelette écrit quand elle aime ! Tu m’as fait suivre ta vie pas à pas, et j’y étais comme tu es dans la mienne, en me lisant ! Maintenant, sois tranquille, je serai du 15 au 20 octobre à Dresde, et (je) (ne) repartirai que le lendemain de ton départ ! En pensant à notre séparation pendant quatre mois, les six semaines ne me semblent plus rien. Aussi, ai-je bien envie d’aller jusqu’à Wierzchownia. Je