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« M. de Balzac est un très honnête homme ; et travaille tant et mène une vie si sage qu’il deviendra riche d’ici à deux ou trois ans. Nous avons attendu ; nous attendrons. » C’est flatteur, mais c’est gros de procès et d’argent à donner. Mais la nécessité les ramènera, un à un.

Dans ce moment, il faut me loger absolument, et il me faut travailler avec une excessive ardeur. Or, la maison de la rue Franklin me loge sans frais, chèrement, il est vrai ; mais elle m’ôte tous soucis. Du 1er au 10 octobre, j’aurai fait mon déménagement.

Puis, le propriétaire s’engage à me la vendre, pendant un an, à un prix de cent mille francs, sans que je suis tenu de la prendre. J’ai donc la liberté d’acheter ou de ne pas acheter. C’est la sagesse même, n’est-ce pas ?

Quelque sinistre que soit pour moi la gouvernante, quelque affreuse qu’en soit la vue, elle seule peut être mon prête-nom ; elle a la plus exacte probité. D’ailleurs, le second bail évite tous les inconvénients des contre-lettres, et met fin à l’ennui d’être sous son nom et à cette apparence (que cela lui donne) de maîtresse de maison.

J’ai bien des ennuis ; mais elle ira jusqu’au mois de janvier, je le vois, et, vers cette époque, le jour où je serai propriétaire, elle ne restera pas dans notre maison ; je le vois à ses discours, elle a pris son parti. Je n’achèterai qu’après six mois d’habitation, car il faut bien connaître la propriété.

D’ailleurs, il y a des dépenses folles de faites par ces heureux bourgeois, au temps de leur bonheur. Des conduits en plomb partout, pour avoir l’eau de la Seine partout, en sorte que l’on a des jets d’eau. Cela a coûté cinq à six mille francs. Puis, comme ils étaient sur le roc, ils l’ont fait creuser, et ils ont acheté la terre d’un arpent de jardin, et ils l’ont transportée sur leur terrain. Cela a coûté dix mille francs. La maison a dû coûter, à cette hauteur, en 1805, plus de cent mille francs. Enfin, il est certain que cela est revenu à plus de deux cent mille francs. Ce matin, je vais donc terminer, comme je te le dis, et, à Dresde, nous déciderons si j’achète, ou si je n’achète pas, si je loue pour quatre ans, ou si je ne loue pas. A moins que tu ne me donnes par un mot un absolu pouvoir, je resterai dans ces conditions. Je puis te répondre que c’est aussi beau, comme vue, que le paysage de Tours.