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des manuscrits à composer et immédiatement, je crois que j’allais m’affaisser comme un ballon piqué.

Passer de la contrée aimée, où j’étais comme dans la riche nature des Tropiques, au Groenland, c’est une si affreuse transition que les ennuis que je viens de trouver (ici) et ceux de la gouvernante ne me font pas l’effet d’une mouche qui bourdonne. Tout m’est indifférent ici de ce qui ne vous concerne pas, pour ne pas dire odieux, et c’est à un tel point qu’hier, accablé de fatigue, barbe de huit jours, poussière de vingt-deux heures de route, linge sale, costume de voyage, je suis allé chez Froment Meurice, avant de venir ici ; m’occuper de toi, de ton Anna, m’a paru le comble du bonheur, et j’ai eu quelques larmes (aux yeux) en arrivant rue Lobau, ta dernière étape, ton dernier plaisir !

Froment (Meurice) est acquitté de tout blâme. Eugène Sue a voulu donner un grand dîner sans doute pour célébrer la fin de ce roman d’épicier qui s’appelle le Juif-Errant, et il a voulu son (service d’)argenterie à heure fixe. Froment est arrivé pour le mettre sur la table, une heure auparavant le diner ; mais il a gagné la fièvre à ce travail forcé. Il est resté au lit ; il a dessiné au lit. Mais, malgré son désir, la divine broche et les boucles d’oreilles à deux fins n’étaient au contrôle que du matin même, et elles n((‘)e(n) doivent revenir que demain. Ah ! louloup, revoir la place de la Concorde, ces endroits aimés, la route que je ne faisais pas seul, la faire avec des souvenirs, non, c’est un supplice que je ne connaissais pas !

Mille souvenirs et mille vœux d’amour, mon minou adoré, ma chère compagne adorable, aimée, regrettée à toute heure.


X


Lundi, 1er septembre.

Je suis rentré hier pour dîner. Ce matin, j’ai eu la force de me lever à trois heures du matin, de ne pas prendre de café. Mais, pour me tenir éveillé, (pour reprendre) mes habitudes, j’invente, mon louloup, de t’écrire, et alors je suis, comme à Anvers, les yeux comme deux charbons, malgré les fatigues.

Je suis consterné. Pas de maison possible à Paris ; autour de Monceaux, pas d’appartements. Tout est d’une affreuse cherté, peu de choix. Les rues entre Monceaux et le chemin de