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victoire finale de l’Entente qui les avait inspirés. Bien au contraire, tout le monde en Suède, — sans exception, — croyait de bonne foi que l’Allemagne était invincible. Lorsqu’à la fin des huit premiers mois de lutte, vers mars 1915 environ, on commença à supputer dans les pays de l’Entente l’épuisement de l’Allemagne et de ses alliés en soldats, en munitions et surtout en vivres, les Suédois les plus amis de l’Entente (je dirais plutôt de la France et de l’Angleterre, car les préventions contre la Russie persistaient), contestaient notre optimisme et ne cessaient de dire que l’Allemagne n’était aucunement à bout de ressources, qu’elle saurait toujours s’arranger pour se ravitailler tant bien que mal, que d’énormes contingents nouveaux seraient appelés sous les armes, que l’industrie de guerre allemande enfin n’avait pas encore donné tout ce qu’elle pouvait donner et ménageait aux adversaires maintes surprises.

Tout cela était parfaitement vrai, et la néfaste année 1915 où faillit sombrer, malgré l’entrée en guerre de l’Italie, la fortune des armes de l’Entente, prouva qu’on était bien mieux informé en Suède que chez nous des ressources allemandes.

Ainsi donc, ce n’est pas un calcul utilitaire qui dirigea la politique des gardiens de la neutralité suédoise, mais bien plutôt le sincère amour de la paix et le sentiment de la responsabilité envers le peuple et le pays. Nous serions coupables de ne pas rendre cette justice à ceux de leurs hommes politiques et de leurs gouvernants qui surent si bien tenir tête aux partis-pris et aux entraînements de la fraction remuante du pays.


A. NEKLUDOFF.