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s’était pas encore déclarée), la Suède pouvait être sûre de notre parfaite correction à son égard et de notre désir de lui faciliter sa neutralité. Là-dessus je fus très aimablement congédié. L’entretien n’avait duré que quelques minutes, mais je sortis du cabinet de travail du Roi avec un énorme souci de moins.

Le surlendemain, l’Angleterre s’était rangée du côté des Alliés et, à partir de ce jour, nous étions, M. Howard, M. Thiébaut et moi, à même de travailler de concert et de nous communiquer tout ce qui nous parvenait. Sur l’initiative des ministres de France et de Grande-Bretagne, leurs deux gouvernements firent au gouvernement suédois, dès les premiers jours de la guerre, la déclaration que les deux puissances garantissaient à la Suède son intégrité et sa parfaite souveraineté, à condition qu’elle gardât une stricte neutralité. Lorsque MM. Thiébaut et Howard apportèrent cette déclaration à M. Wallenberg, ce dernier les en remercia chaleureusement et ajouta : « Ah ! si le ministre de Russie m’apportait une déclaration identique ! Comme cela faciliterait ma tâche dans les conseils du Roi ! » Je n’avais pas attendu cette invite pour faire à Saint-Pétersbourg la même démarche qu’avaient faite à Paris et à Londres mes collègues, et j’attendais avec une certaine anxiété la réponse ; cette réponse tardait pendant que l’agitation activiste se faisait de nouveau sentir plus âpre à Stockholm et que toute espèce de bruits alarmants commençaient à y circuler. Enfin, je reçus de M. Sazonow la réponse tant désirée ; « Vous êtes autorisé à faire une déclaration identique à celle des gouvernements alliés. » Cependant, le lendemain matin, un autre télégramme, émanant des bureaux du ministère, me priait de surseoir un peu à la déclaration. Le même jour, mes deux collègues vinrent m’avertir que le retard de la déclaration russe agitait énormément le gouvernement suédois et fournissait des arguments aux partisans de l’alliance allemande. « J’en étais sûr. Messieurs, et j’ai déjà envoyé un télégramme pressant à Pétersbourg pour indiquer la nécessité absolue et l’urgence de notre déclaration. »

Je sentais bien que le moment était décisif et que tout ajournement pouvait avoir des conséquences fâcheuses. Par bonheur, la nuit même, un troisième télégramme arrivait du ministère et m’autorisait à faire la déclaration. Craignant un nouveau contre-ordre, je m’empressai, de grand matin,