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de l’Autriche et celle de la Turquie et hâta, en fin de compte, la capitulation de l’Allemagne. Si l’entrée en guerre de la Bulgarie à côté de l’Allemagne eût pu être empêchée, — et on avait eu pour cela l’espace de temps compris entre août 1914 et octobre 1915, — la guerre n’eût pas duré si longtemps, c’est-à-dire, qu’elle n’eût pas pris le caractère d’une calamité mondiale sans exemple et n’eût surtout pas amené l’affreux effondrement de la Russie.

Je me suis laissé dire, que les fautes diplomatiques commises dès le commencement de la guerre à l’égard de la Turquie et de la Bulgarie, étaient dues entre autres causes à la fausse orientation de la diplomatie anglaise qui ne voulait pas voir le danger et croyait pouvoir user d’atermoiements et de douceur là où il fallait au contraire faire montre de force et de décision. Pour ce qui est du terrain de Constantinople, je n’ai aucune donnée qui me permette de croire ou ne pas croire ces assertions ; pour ce qui est de celui de la Bulgarie, je serais personnellement porté à douter que le Gouvernement Anglais fût bien et dûment renseigné à cette époque sur la situation politique de la Bulgarie et sur les vraies dispositions du roi Ferdinand et de son peuple.

Le dimanche 2 août, on me réveilla à sept heures du matin pour m’apporter les télégrammes reçus dans la nuit. Le premier que j’ouvris était un télégramme en clair par lequel M. Sazonoff m’annonçait que la veille à sept heures du soir, l’Ambassadeur de Guillaume £» lui avait remis la déclaration de guerre de l’Allemagne.

En lisant cette terrible nouvelle, je fus pris d’une angoisse indescriptible ; c’était comme si un tourbillon de visions sinistres m’eût enveloppé ; j’eus en ce moment le pressentiment tout à fait clair des malheurs qui devaient frapper ma patrie, mes proches... J’entrai précipitamment dans la chambre de ma femme. « La guerre est déclarée ! » m’écriai-je en éclatant en sanglots...

Ma femme trouva immédiatement les paroles nécessaires pour me rendre mon sang-froid : « Stockholm est en ce moment l’un des postes diplomatiques les plus importants pour la Russie. Si le Ministre qui occupe ce poste, se laisse aller à ses nerfs, les pires choses pourraient arriver. Il faut absolument et, dès le premier moment, se ressaisir et faire son devoir ! »