Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 55.djvu/367

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

monarchique c’est la prépondérance de la volonté et de la raison d’un homme sur celles de tout un peuple ; pour que cette prépondérance soit justifiée il faudrait que cette volonté et cette raison fussent l’expression d’une idée haute et salutaire et qui ferait défaut à la majorité du pays. Dans les temps modernes, lorsque la diffusion de l’instruction et l’influence de la presse eurent remplacé la rivalité des Gouvernements et des Etats par la rivalité consciente des peuples, — les Souverains devaient interposer leur autorité contre la propagande néfaste des haines et des compétitions internationales. Partout ailleurs ils pouvaient et devaient être les premiers serviteurs de leur peuple ; dans les questions de paix et de guerre, ils devaient résolument se faire les champions d’une solidarité mutuelle qui eût préservé le monde des pires fléaux. Les uns, comme Guillaume II, ont fait tout juste le contraire ; d’autres ne l’ont pas assez compris ; de là la déchéance du principe monarchique à travers le monde entier... Mais je me reprends à juger les Souverains, malgré les pressantes recommandations de Sa Majesté le Roi de Suède !


Le mercredi 29 juillet, les nouvelles furent de nouveau plus mauvaises et une agitation extrême s’empara de la Suède. Toute espèce de bruits commencèrent à courir en ville et dans le corps diplomatique ; on assurait que la Suède était liée par une convention militaire secrète avec l’Allemagne et qu’en cas de guerre, les Suédois marcheraient résolument avec elle. M. Wallenberg, que je vis le mercredi, m’avoua que la situation rendait le Gouvernement Royal très soucieux ; il me dit ensuite, en soulignant ses paroles, que la Suède était plus que qui que ce soit intéressée au maintien de la paix européenne et qu’une collision entre ses deux puissants voisins la mettrait dans une situation dangereuse. « D’ailleurs, ajouta-t-il, le Roi n’a pas perdu tout espoir que les choses puissent encore s’arranger... »

Vendredi matin, arriva de Saint-Pétersbourg le nouvel attaché militaire de notre légation, le lieutenant-colonel Kandaourow, dont on m’avait signalé, peu de jours auparavant, la nomination. La première question que je lui adressai fut : où en étaient les choses au moment où il avait quitté Pétersbourg ? « Tout ce que je puis vous dire est ceci, me répondit le colonel :