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en particulier toute conversation avec les ministres étrangers. Se tenant à l’écart, à l’extrémité de l’un des grands salons de réception, il causait à voix basse tantôt avec M. Poincaré, lui passant les télégrammes qu’on lui présentait, tantôt avec M. Viviani ou avec M. Wallenberg. Le Président, m’apercevant à sa portée, s’approcha de moi : « Monsieur le ministre, me dit-il, j’ai eu l’occasion de transmettre ce matin au roi Gustave ce dont m’avait chargé pour lui l’empereur Nicolas II, c’est à-dire les assurances les plus formelles et les plus gracieuses de ses bonnes et inaltérables dispositions envers la Suède et la cour suédoise. En particulier, j’ai pu certifier au Roi que l’incident Assanovitch, qui avait tant ému l’opinion publique suédoise, n’avait aucunement la portée que lui prêtait cette opinion. Sa Majesté le Roi a accueilli cette communication avec un sincère contentement, mais exprime l’espoir que dorénavant on donnerait de Pétersbourg des ordres catégoriques à la légation de Russie à Stockholm et surtout à l’agent militaire qui doit succéder à M. Assanovitch, d’éviter avec le plus grand soin tout ce qui pourrait présenter le caractère d’agissements clandestins ou irréguliers. Ce que je vous dis, continua le Président, n’a qu’une portée très secondaire en comparaison des événements politiques du moment ; toutefois, il serait d’autant plus nécessaire de tranquilliser les Suédois et d’enlever aux empires du Centre toute occasion plausible d’intrigues... » J’acquiesçai entièrement au point de vue du Président et l’assurai que, dès mon arrivée à Stockholm, je m’étais proposé de faire tout ce qui était en mon pouvoir pour corriger les fautes commises par nous dans les derniers temps en Suède.

Nous parlâmes ensuite de la situation politique du moment, « Le Roi a reçu ce soir des nouvelles de Berlin qui l’ont un peu tranquillisé ; on pourrait encore, selon Sa Majesté, trouver une issue favorable à la crise qui vient d’éclater, pourvu seulement que des deux côtés on y mit de la bonne volonté. Puisse-t-il avoir raison ! En tout cas j’ai décidé de brûler Copenhague et Christiania et de me diriger en toute hâte sur Paris. J’espère que les deux cours scandinaves accueilleront bien les excuses que va leur porter de ma part le général Brugère, et qu’elles ne m’en voudront pas, étant donné les événements. » Je répondis au président qu’en Danemark tout