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dans la journée et étaient invités au grand banquet qui allait réunir au Palais, autour du Roi et de ses hôtes français, toutes les notabilités politiques et sociales de Stockholm. Après le banquet, concert des sociétés chorales suédoises et, tard dans la soirée, départ aux flambeaux du Président et de sa suite. Le corps diplomatique ne prenant pas part à la réception même du Président, tous les membres de ce corps ainsi que les étrangers de distinction étaient conviés dans le jardin du château pour jouir de là du spectacle de l’arrivée. Un temps splendide favorisait la fête.

Lorsque nous nous réunîmes dans le jardin qui surplombe en terrasse le bras de mer par lequel devait arriver la gondole de parade, on sentit immédiatement l’énorme gène qu’apportaient à cette réunion les nouvelles, reçues depuis la veille.

Tous les visages étaient plus ou moins contractés. Les « Centraux » faisaient bande à part et parlaient à voix basse entre eux. Le personnel de la Légation de France, prenant part in corpore à la réception du Président, n’était pas parmi les spectateurs. Mon collègue de Grande-Bretagne avait sa figure sérieuse et un peu pâle que je lui connus plus tard dans les nombreux jours d’émotions partagées en commun. Il me demanda ce que je pensais de l’ultimatum et je ne lui cachai pas que je considérais la situation comme excessivement tendue ; c’était aussi son avis. On me fit faire la connaissance du nouveau ministre d’Espagne, débarqué l’avant-veille. En serrant la main à l’aimable et sympathique duc de Amalfi, je ne me doutais pas que dans un très proche avenir, j’aurais journellement affaire à son obligeance et à son travail inlassable dans les questions se rapportant aux Russes restés en Allemagne, à nos prisonniers de guerre, etc.. On ne donna qu’un regard distrait au ravissant spectacle qui se déroulait devant nos yeux, — celui des bords pittoresques du bras de mer que nous surplombions, de la masse bariolée du public, attendant gaiement l’arrivée des hôtes français, de la jolie gondole qui apparut enfin, suivie de toute une flottille de chaloupes, et qui débarqua auprès du château — le Roi, le Président de la République et leurs suites, tandis que le canon tonnait la bienvenue et que les cloches des antiques églises de la vieille ville carillonnaient à toute volée...

Lorsque je revins à la Légation et relus et étudiai le texte