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25 juillet en visite officielle à Stockholm ; on se préparait à le recevoir avec tout l’apparat en usage.

Je me souviens que le 12 nous fîmes en famille et avec quelques membres de la légation une charmante excursion dans le « skaergard » de Stockholm. Temps délicieux, jolis paysages, gai goûter, belle journée passée entièrement en plein air. En revenant le soir en motor-boat par une de ces suaves et claires soirées qui en été font le charme spécial de ces parages, je m’adonnai entièrement au plaisir de vivre : « Eh bien, disais-je, faisant tout haut mes réflexions, je ne suis pourtant pas fâché d’avoir dû changer Sofia contre Stockholm ! Sofia était certainement un poste plus intéressant et surtout plus important ; mais ici en revanche on a du repos ; on peut jouir de la vie sans être à chaque moment obsédé de préoccupations politiques... » Une méchante fée m’entendit.

Cela se passait le mercredi 22 juillet ; le lendemain soir, les journaux apportèrent la première nouvelle d’un ultimatum autrichien à la Serbie, et le samedi matin, quelques heures avant l’arrivée de M. Poincaré, paraissait le texte même de cet ultimatum subit et inouï de violence. La Semaine tragique commençait ; la semaine où se jouèrent les futures destinées du monde, et où se décida la guerre mondiale, — laquelle à son tour aboutit au terrible effondrement de ma malheureuse patrie.


II

Le premier jour de la « semaine tragique » se confondit à Stockholm avec la réception officielle du Président de la République française et les fêtes qui avaient été préparées pour cette réception.

Le Président ne devait rester à Stockholm qu’un seul jour. Le croiseur cuirassé qui portait le Chef de l’Etat français ne pouvant arriver jusqu’aux quais de la ville, devait jeter l’ancre à deux ou trois kilomètres de distance, et le roi Gustave V s’embarqua à l’heure voulue pour chercher son hôte à bord et le conduire au Château royal dans une gondole à douze paires de rames, datant du XVIIIe siècle et richement décorée dans le style Louis XV.

Les chefs de missions devaient être présentés au Président