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un assassinat reste toujours un assassinat, c’est-à-dire une chose odieuse ; et puis l’événement de Sarajevo pourrait augmenter les ressentiments des centraux contre les Serbes, — et contre nous, leurs protecteurs naturels, — et mettre précisément le feu aux poudres... »

Cependant les jours suivants ces appréhensions semblèrent peu justifiées. Nous assistâmes à Stockholm, comme partout, à un office funèbre célébré à la mémoire de l’Archiduc et de sa malheureuse épouse. On parla beaucoup dans les journaux des obsèques du couple assassiné et du caractère voulu de simplicité que la Cour de Vienne avait donné à ces obsèques. Puis, on apprit, à la grande satisfaction du monde entier, que ce lugubre événement n’empêchait pas l’empereur Guillaume de procéder à sa croisière habituelle dans les fiords norvégiens et qu’il venait de se mettre en route. Bref, tout semblait rentrer dans le calme.

Quelques jours plus tard, je refis le voyage de Malmoë où se rendait, — la première fois depuis sa guérison, — le roi Gustave V et où vint le rencontrer le roi de Danemark. Le temps était beau et chaud ; les fêtes en l’honneur du roi furent empreintes de cordialité. Je vis plusieurs fois mon collègue allemand qui me témoigna de l’empressement malgré qu’il eût beaucoup à faire avec une grande députation d’officiers allemands arrivés pour saluer le roi de Suède et qui se montraient avec ostentation partout dans leurs plus beaux uniformes et fraternisaient en de continuelles agapes avec leurs camarades suédois des garnisons du midi de la Suède.

Je remarquai aussi, — cela sautait aux yeux, — la présence dans les eaux du détroit (le Sund), qui sépare Malmoë de Copenhague, d’une grande quantité de destroyers allemands. En allant, après le départ du roi de Malmoë, à Copenhague, j’en rencontrai plusieurs en chemin. Il en sortait de chaque anse ! A mes questions à ce sujet, on me répondit que c’était l’escadre de destroyers commandée par le prince Eitel-Friedrich, lequel, après avoir croisé dans les détroits, devait venir faire une visite au couple royal de Suède dans le château de Plaisance de Jullgarr ; ce qui se fit effectivement dix jours plus tard.

En attendant, le Président de la République française se rendait par mer à Saint-Pétersbourg et de là devait arriver le